Décidément, Louise n’aime pas les jours fériés ! A son âge il lui semble qu’un dimanche par semaine c’est largement suffisant pour trouver matière à s’ennuyer ! Les magasins sont fermés, les rues se vident, « nous vous prions de nous excuser pour cette interruption momentanée de l’image », de sa fenêtre Louise n’a plus rien à observer !
Louise a oublié depuis longtemps qu’elle aussi avait les yeux de Chimène pour ces dates chômées qui étoffaient gracieusement ses « congés » elle n’a que faire de ces journées ordinaires qu’on a endimanché pour célébrer l’oisiveté ! Louise a quelquefois des idées bien arrêtées, en vieillissant, jeunes gens, le monde se rétrécie, c’est angoissant, et Louise est devenue un peu égoïste… Pour elle ce ne sont plus que des jours de pénitence, la ville somnole sous l’effet Lexomil des pauses obligatoires, même l’eau du canal ne chante pas le même refrain tant ses remous résonnent dans le silence des carrefours sans embouteillage !
Les gens vont encombrer ailleurs, Louise est allée se promener dans le parc au bord de la rivière. Il faut croire qu’elle n’est pas la seule à ne savoir que faire de ces heures « gratuites » : flâner est une sorte d’échappatoire à la vacuité de ce temps suspendu, ici les allées sont bondées de gens qui tentent de remplir leur après-midi sans projet ! Enfin, c’est l’analyse que Louise en fait… Louise en est presque contrariée, elle aime l’agitation, mais de loin ! Les gens marchent sans regarder devant eux, hypnotisés par l’écran de leur téléphone, les enfants se poursuivent en hurlant, vélos et trottinettes envahissent les allées, Louise se sentirait presque en danger !
L’après-midi s’étire, les rideaux sont baissés sur les vitrines, les salons de thé « font le pont », Louise ne croise personne de connaissance, alors Louise rentre chez elle.
Il fut une époque où elle en aurait profité pour passer quelques coups de fil, mais son répertoire s’est tellement amenuisé qu’elle peine à trouver quelqu’un à appeler… Et puis Louise répugne à déranger. Alors elle a remis son manteau sur un cintre, posé son sac sur la console de l’entrée, remis ses cheveux en place après avoir quitté son galurin, fait le tour de son appartement impeccablement rangé, arrosé quelques jardinières posées sur le bord des fenêtres, passé un coup d’éponge sur la table de la cuisine où quelques miettes avaient échappé à sa vigilance, et Louise, en s’appuyant sur la rambarde de la fenêtre, regarde le temps passer…