Novembre l’impudique a terminé de dévêtir les arbres, leurs branches sombres se dessinent comme un trait bientôt tiré sur l’automne. Le jardin a renoncé, les feuilles rousses à terre en tapissent l’herbe et les allées. Pas un souffle pour les faire danser, légères et diaphanes, elles sècheront sous les derniers rayons pâles de l’après-midi. Personne ne pourra faire un pas sans déclencher un concerto de craquements, même les chats ne passent plus ici « incognito ».

Demain la pluie sera là, ce sont quelques nuages arrivés en éclaireurs qui me l’ont prédit. La route me semblera plus longue sous la grisaille, mais je trépigne déjà tant je suis impatiente de les retrouver ! Tant de mois se sont épuisés à me contraindre de ne pas bouger que la simple idée de partir emplit mon coeur d’une joie enfantine comme à la veille d’un départ en grandes vacances ! Mes bagages sont prêts, je n’ai plus qu’à m’en aller.

La maison semble avoir compris qu’elle allait devoir fermer les yeux sur mon absence et attendre patiemment le bruit d’une clef dans la serrure qui la réveillera un peu plus tard. Tout est sagement rangé à sa place, la chaudière ronronne au ralenti, l’air s’est un peu rafraichi, les plantes tendent leurs tiges vers le rai de lumière sous les volets à demi baissés. Une pénombre résignée peint les pièces en clair-obscur, qui sait si tout restera immobile quand la porte refermée, les meubles et les objets se sentiront libérés de ma présence… J’aime imaginer qu’ils en profitent pour se dégourdir et choisir d’autres endroits où se mettre à l’aise ! Tout ici-bas n’est que conventions humaines qui, dans le silence et la disparition de tout signe d’intrusion n’a plus de raison d’être.

Je ne peux quitter les lieux sans me retourner et guetter quelque signe qui piquerait ma curiosité, mais je les soupçonne suffisamment avisés pour ne rien tenter avant d’être bien certains de ne pas courir le risque d’être démasqués… Encore immobile, la maison me regardera m’éloigner, patiemment elle se réservera jusqu’à l’ankylose, puis, se sentant enveloppée de ce calme si particulier à l’abandon, elle s’autorisera à user de sa folie douce…

C’est ainsi que lors de mon retour, je la retrouverai telle qu’elle était, ou presque… A moins que pariant sur ma mémoire défaillante, elle n’ait dans la précipitation, rangé les choses autrement, me laissant souvent perplexe à les chercher où elles ne sont plus à mon grand désarroi…

Ne soyons pas si sûrs de ce qui nous semble être, parfumons de conditionnels ou d’ interrogations notre tout petit microcosme quotidien qui n’en deviendra que plus surprenant et intéressant. Qu’est-ce que le temps, la distance, l’absence ?… Qui sommes-nous ? Quelle hypothétique place avons-nous, et quelle finalité, s’il en est, nous définit ?… Hé hé hé, vous n’avez seulement qu’une vie pour essayer de me répondre…

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