Je ne sais quels mots dégoter pour vous parler du cocon qui me sert de maison… C’est une tout petit endroit très particulier, qui l’approche pour la première fois ne s’en éprend pas sur le champ, elle a petite mine, toute blanchotte surtout en hiver quand son jardinet ne l’habille qu’à moitié et qu’elle frissonne sous les assauts de la neige et du vent. Cependant avant moi, d’autres avaient peint tout en bleu son portail et le petit hayon de côté, un garde- fou pour qui descendrait s’enivrer à la cave, ainsi que ses bordures de toit en métal. Elle affiche du coup un petit caractère enjoué que lui envient ses voisines beaucoup plus banales.
C’est un petit « chez moi » sans prétention, et bien malins seraient ceux qui devineraient sous cette bluette apparence, le petit « Versailles » qu’elle est assurément… Oh, de galerie il n’y a pas, quelques glaces cependant y ont trouvé leurs place, ça et là, il est possible de se mirer, mais la plupart du temps ce sont des miroirs « pour faire joli » où personne ne passe, mais qui attrapent la lumière entrée gentiment par les fenêtres et la retiennent prisonnière jusqu’à la nuit tombée… Les miroirs, on en reparlera, sont des chapardeurs de tout ce qui passe à leur portée, bien sot qui ne s’en méfie pas, car que savez-vous de ce que deviennent les imprudents qui s’y arrêtent trop longtemps ?… Mais c’est une autre histoire !
D’immenses pièces il n’y a pas non plus, je n’en ferais plus rien maintenant que ma nichée s’est envolée et que la solitude a emménagé un soir de février, sans s’inquiéter de savoir si ça me dérangeait… J’ai, si j’ai bien compté, trois petites chambres, dont l’une m’accueille douillettement chaque nuit, les deux autres étant devenues avec leur accord, un entrepôt vestimentaire, une pièce à couture où trône placide, un fer à repasser, et enfin un bureau pour tout ce qui a trait à l’écriture. J’ai insisté pour y installer deux lits superposés que mes petits-enfants adorent escalader, glissé en dessous un autre matelas à tirer quand leur nombre à augmenté, et j’ai un peu exagéré en tapissant ses murs d’un tas de photos, de tableaux, de dessins d’enfants, de poèmes et d’injonctions pour les jours « chon chon ».
On entre chez moi en empruntant trois marches jusqu’à ma véranda, qui se garde bien d’être grande, histoire de ne pas causer de tort aux autres mètres carrés dispersés un peu plus loin, toute de baies vitrées elle sert aussi bien de frigidaire en hiver que d’abri ombragé en été. Très coquette, puisqu’à l’accueil tout de même, elle regorge de tout ce qui parle de campagne, de mimis paniers en osiers y sont suspendus, une méridienne au cannage doré vous tend ses bras déjà chargés de cousins brodés, un lapin déguisé en lampe d’appoint est assis sur le bord d’une tablette, et selon la saison, mes légumes attendent ici l’heure d’être mijotés. Une tripotée de plantes, un olivier et un citronnier égarés squattent l’endroit tempéré dès l’automne venu et jusqu’aux jours meilleurs.
Tout près de l’entrée minuscule qui lui succède, où tous les grands échalas se cognent la tête au lustre sous lequel je n’ai pour ma part jamais eu de difficulté à passer, on peut découvrir ce qu’on nomme pompeusement un « séjour ». Je m’y tiens il est vrai, presque aussi souvent que dans ma caverne d’Ali Baba, rarement occupée autrement qu’à jongler avec mes livres et mes « mots », ou à broder, un autre de mes « dadas » qui remplissent agréablement mes journées. c’est aussi là que je reçois mes invités, ou qui inopinément vient frapper à ma porte. J’ai dans un coin aménagé de quoi s’appuyer le temps d’un café, d’un verre et d’une aimable conversation.
Et juste à côté, une cuisine dont j’ai fait ma meilleure amie, tant elle me voit telle que je suis dès le matin au petit-déjeuner, en pyjama et pas débarbouillée. Elle tolère tous mes délires culinaires, sert mes petits plats dans de plus grands, pardonne mes concerts de casseroles et mes étourderies qui partent en fumées ! Elle abrite sans façon mes repas de « vieille demoiselle » qui ne sais pas déjeuner ou diner sans s’occuper de quoi ne saurait attendre davantage…
Quand je m’absente pour un tout petit moment, il arrive que je laisse mes amis musiciens prendre seuls possession des lieux, Chopin, Faure, Beethoven et leurs amis enchantent les murs et les imprègnent des musiques qui m’accompagnent au quotidien, alors à mon retour c’est sur la pointe des pieds que je pénètre dans ma salle de concert préférée…
Ai-je trouvé la bonne façon de vous dire tout le bien que je pense de la petite coquille de noix qui me sert de logis ? Ce petit coin de paradis vaut mille châteaux en Espagne où l’herbe ne serait d’ailleurs pas plus verte, car pour tout vous dire, un croquignolet jardin de curé s’entête à vouloir faire le tour de la maison, il a tapissé de lierre le muret qui l’empêche d’arriver à ses fins, prends d’assaut deux terrasses dont je défends vaillamment les pierres des agressions d’herbes sauvages, puis dépité, dégringole plus bas dans une rocaille fleurie. Un potager de lilliputiens partage avec moi ses modestes revenus légumineux, mais de ce jardin, il y aurait bien des choses à dire, ce dont je vous entretiendrai botaniquement mieux quand l’hiver aura quitté son manteau blanc et laissé d’autres plus douces saisons me laisser choisir lins et cotonnades !…
Un petit paradis que tu as fait, et qui m’inspire, dans l’espoir de construire le mien un jour pour t’y accueillir devant un bon verre et en musique 🙂
Hâte de le découvrir ! Je suis certaine que ce sera douillet, tendre et très accueillant ! Un cocon essentiel pour réussir à cultiver au mieux le potager qu’est une vie… merci Clo…