Louise ferme les yeux.
Un timide rayon de soleil tente de réanimer l’été en pâmoison. Alors, debout face à sa fenêtre, Louise ferme les yeux, mais l’éclaircie a raison de l’obscurité sous ses paupières, Louise a fermé les yeux et pourtant il subsiste encore tant de lumière dans ce noir qu’elle s’était préfiguré.
Ce matin de septembre qui discrètement s’est faufilé dans les tous derniers soubresauts d’août, impose son empreinte fauve alentours. Louise ne parvient pas à se souvenir quand cette imperceptible modification a pointé le bout de son nez. Ce petit rien qui change tout s’est simplement glissé dans une journée trop timide pour le repousser. Depuis, Louise constate que, mine de rien, l’armoire s’ouvre plus volontiers du côté des petites laines, les robes estivales s’assoupissent bien suspendues à leurs cintres de velours, Louise tient à ce qu’elles hibernent confortablement parfumées de naphtaline et d’encore quelques senteurs d’eaux citronnées rescapées des chaleurs estivales.
Louise ferme les yeux. Comme souvent sa matinée s’éveille dans la douceur d’une partition de Chopin, de Fauré, ou de Mozart, ces magiciens capables de la convaincre de la beauté d’une aube claire quand pourtant elle a le cœur lourd. Louise se laisse bercer le temps d’absorber tout ce bonheur que lui promet une cascade de notes douces et rassurantes.
Encore un instant, encore une seconde avant de se résoudre à ouvrir les yeux… Retarder davantage le moment redouté de revenir à d’autres réalités, la musique ne sera plus la même inondée de lumière. Louise tient encore ses yeux fermés, ce fragile moment de grâce à l’abri du cambriolage des matinées qui s’éteignent sous les assauts des heures qui passent. Louise aimerait rester les yeux fermés, à composer elle aussi aujourd’hui comme une mélodie, Louise voudrait faire danser les nuages, les emporter loin d’un automne annoncé, laisser entrer ce petit peu d’été qui doit bien rester blotti quelque part, Louise ne s’avoue pas vaincue. De toute évidence la saison naissante aura raison de ses espoirs les plus fous, mais ses paupières closes lui conservent son rêve pour un tout petit moment de plus.