L’ombre d’un tilleul abrite quelques marches de pierre escaladant une butte herbeuse. Adossé au muret, un abreuvoir sert d’écrin à une foison d’hortensias roses pourprés, noyés dans un feuillage qui déjà se froisse et pâlit sous les premières froidures automnales.

Au pied d’un buisson croulant sous le poids de sa verdoyante frondaison, s’appuie une maçonnerie dont la porte de bois céladon cache un puits où jadis on venait tirer de l’eau dans un seau. Je ne sais si quelque chaine coulissait autour d’une roue pour plus aisément le remonter des profondeurs, il me plait pourtant d’en imaginer le cliquetis de métal se déliant jusqu’à s’éteindre dans un ultime clapotis.

L’après-midi s’étirait sous quelques rayons échappés des nuages, une lumière flamande colorait l’endroit paisible à souhait. La maison, telle une belle endormie, reposait alanguie sur la terre opaline, quelques rosiers tenant au chaud ses façades pierreuses, et son toit de tuiles plates tel un chapeau carminé posé sur ses lambourdes de bois.

Partout une harmonie façonnée de voyages, mêlant meubles berrichons et chinoiseries délicates. Un havre de paix qui résonne encore d’un bonheur dont le glas a sonné il y a encore très peu. Brigitte n’est pas sous la pierre qu’ombrage un if protecteur, ici, son empreinte imprègne les meubles, les objets, comme si elle venait de les effleurer, une si présente absence qu’à chaque embrasure de porte j’ai espéré la voir s’approcher.

Participant, autant que faire se peut, aux occupations quotidiennes que réclame une maison, je ne me saisissais jamais d’une tasse, d’une assiette ou d’un couvert sans l’imaginer les choisir elle aussi, prompte à retirer ma main et m’effacer pour la laisser faire…

Lui fait maintenant sans elle. Sans conviction, mais puisqu’il le faut bien. Les années ne feront pas disparaitre le chagrin. Peut-être l’estomperont t’elles légèrement, parce qu’on le veuille ou non, la vie dicte sa loi à qui ne choisit pas les abysses. Il affronte les jours, puis les mois, bientôt les années, larmes pudiques à l’abri d’un humour aiguisé, un sourire malicieux aux lèvres. Elle le reconnaitrait bien là, démuni et vaillant cependant, qui ne se plaint ni ne se répand.

Les albums s’ouvrent parfois, timide tentative de ressusciter ce qui ne peut l’être. Les photographies qu’elle avait le talent de mettre en pages et en récits racontent ce qui fut leur bonheur, de toute évidence quelques devoirs de vacances laissés à leurs enfants et petits-enfants. Les regards sont hurlants de vie et se perdent dans l’infini. Pour qui sait y percevoir l’intime, refermer l’ouvrage c’est un peu découvrir ce qu’ils furent intensément et simplement l’un pour l’autre.

On ne quitte pas Fougerolles, on s’en éloigne à regret, en y laissant un bout de son cœur, passager clandestin d’une histoire qu’on aimerait sienne tant elle résonne de valeurs, de courage et de bienveillance. On ne peut oublier ce qu’une amitié a tissé, ni ignorer ce que ce bout de tissu deviendra à l’aune du temps qui lui, jamais ne cesse de s’écouler…

A Brigitte et Michel Septembre 2024

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