Louise repasse.

Louise a ce côté méticuleux qui l’amène à repasser le moindre bout de tissu issu d’un tambour laveur-essoreur ! Des heures durant, Louise remet à plat ce qui lui apparait froissé, ridé, que sais-je, un tant soit peu fripé. De nos jours imaginer même l’idée d’un fer à repasser semblerait saugrenu, tant on use de matières qui ne nécessitent aucun soin particulier avant d’être portées. Louise ne s’y fera jamais à ces nylons sans tenue, qui frisent et gondolent derechef quand la semelle d’un fer chaud tente une approche tiède cependant sans aucune certitude. Louise apprécie les matières nobles, lourdes, de celles qui ont du maintien et ne se vautrent pas dans l’armoire sans se prêter à quelque pliures discrètes et dociles.

Louise repasse et ne s’en tiendrait pas là si la possibilité lui était offerte de repasser également le cours de sa vie, de mener le fer en aplatir les moindres coutures. Elle serait forcément tentée d’aplanir ses froissures, d’arrondir ses emmanchures étriquées, d’étirer ses moments de bonheur et bien sûr, de lisser ses pattes d’oie… Mais Louise est très pragmatique. Enfin disons qu’elle s’y contraint puisque jusqu’ici ses rêves n’ont jamais dépassé le stade de brouillons d’élucubrations. Bien des ourlets défaits restent sans trouver l’aiguille suffisamment agile et consciencieuse pour leur redonner un semblant de vertu. Louise est bien consciente que l’usure réduit à néant toute velléité de fraicheur. L’histoire ne se révise pas, n’est pas encore né celui qui la réécrirait ! Seuls les mots qui ne l’ont pas été peuvent parfois se targuer de n’avoir pas existé. Ils sont l’écho d’un chapitre qu’on choisira de ne pas retenir.

Louise se contente donc de la lire et de la relire, en imaginant force scenarii qui auraient pu en modifier le cours. Ainsi Louise réinvente sa vie avec moins de faux plis, toute d’étamine lissée et de lin mis au pas. Mais Louise s’aperçoit bien vite que tel parcours sans retroussis ni froissure ne présente aucun intérêt puisqu’on n’y trouve rien à remédier et qu’aucune perfection n’engage à la progression.

Alors Louise repasse cotons et souvenirs, y dénichant toujours quelque chose à exploiter pour améliorer sa vie d’aujourd’hui. Mais elle se garde bien de jouer les apprenties sorcières en essayant de changer ce qui ne peut l’être. Il lui suffit de puiser dans son panier de rêves tous fripés et d’en extraire celui en qui subsiste un tout petit espoir d’avenir.

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