Dans la noirceur des nuits d’hiver, quand la lune, bien douillettement enveloppée de nuages, se refuse au ciel étoilé qu’un voile retient dans l’ombre, une lueur suspendue au plafond d’un couloir témoigne d’une veille silencieuse dans le lycée où naguère je fus demi-pensionnaire.
Presque chaque soir en passant sous ses fenêtres, je déambule dans les méandres de ma mémoire, visitant les salles de classes dédiées aux matières qu’on nous y enseignait. L’immense bâtiment, baigné dans un calme que vient trahir l’écho des chahuts qui y résonne encore, tout de gris vêtu avec sa loupiotte allumée tout en haut des étages, de son regard de cyclope me fait de l’œil comme il le ferait à une vieille connaissance.
Depuis des lustres, la veilleuse guide les pensionnaires fantômes dans les dortoirs vides. Etrangement ce lumignon semble seul à tenir la chandelle. Aucune autre lumière ne vient réanimer les silhouettes des adolescentes de ces années lointaines que même un cheval au galop ne pourrait rattraper.
Plus bas je devine ce qui fut réfectoire, avec son brouhaha de vaisselle et de couverts entrechoqués, ses chaises qu’on trainait d’une table à l’autre pour se rapprocher d’une copine, ses murmures de bavardages qu’un éclat de rire venait souvent percer, le grincement des roues du chariot métallique chargé des plats qu’on nous servait souvent déjà tièdes. Et cette odeur de soupe froide qui en imbibait les murs me revient aux narines.
Je grimpe les escaliers de pierre mouchetée, mes doigts s’imprègnent du froid en glissant sur la rampe en fer forgé noire, je longe les interminables couloirs où s’alignent les portes numérotées des salles de classes. Devant, en rangs serrés, on y attendait nos professeurs avant d’aller s’installer en silence. Y sont-ils toujours ces chiffres imprimés dans le bois des chambranles ?
Que sont devenues les gamines qui, d’un trait d’eye-liner encore maladroit, faisaient froncer les sourcils de la surveillante générale et frisaient la colle pour porter la blouse bleue la semaine de la blouse rose ? Combien ont poursuivi leurs rêves jusqu’à les attraper ? La nuit garde le mystère de ces années papyrus qui s’étiolent dans les souvenirs que d’autres depuis se sont à leur tour fabriqué ici, pour plus tard, un soir, en longeant la bâtisse, lever les yeux sur la veilleuse de nos mémoires.
Mais c’est trop bien ! C’est le LYCÉE d’Épinal où j’étais ?…
Un retour inattendu d ns un passé lointain … une description magique … un immense merci à toi, Monique ,
Y pour le flot d émotion qui m’enveloppe ce matin là bas très loin, au pays de l’éternel été …
Que le meilleur te soit offert !
Élisabeth Parlange
Quel magnifique message Betty, que je suis heureuse que ça t’ai autant touchée ! Oui, c’est bien l’ancien lycée Claude Gelée, maintenant collège Clémenceau depuis déjà des années ! J’habite tout près et j’y passe presque chaque soir en promenant Sherlock, mon petit SHI-TSU. Que de souvenirs effectivement dans ces murs austères, je nous y vois dans l’immense cour de récréation, avec Isabelle Autissier (elle est à Chambery) que je revois depuis quelques années chaque fois que je vais en Savoie voir mon fils Pierre et sa petite famille (j’y serai 3 semaines dès dimanche prochain). Je suis à un âge où bien des souvenirs se sont accumulés, l’enfance, l’adolescence font partie de ses pays magiques où j’aime aller flâner… Que j’aimerais te revoir et partager nos mémoires ! Pourquoi es-tu si loin ? Je t’embrasse , merci mille fois pour ton retour chaleureux, vive l’amitié qui nous relie encore grâce à ce vieux lycée qui n’a pas beaucoup changé à priori.