La nuit tombée des fenêtres se sont allumées donnant à partager l’intimité de ceux qui derrière leurs voilages se croient protégés. Des silhouettes glissent d’une pièce à l’autre, laissant deviner leurs activités floutées, la pluie dégouline sur les vitres filtrant ces confidences d’ombres et de lumières. Ainsi derrière chaque carreau se dessinent des vies étrangères qui me deviendront vite familières. Car chaque soir les mêmes croisées révèlent ces mêmes silhouettes dans un décor de théâtre, immuable, où s’égrènent en silence des dialogues de sourds.

En Novembre, l’obscurité se répand comme l’eau inonde, presque sans prévenir. Des lampadaires falots tentent à grand-peine de parer à la noirceur des lieux, sur les trottoirs luisants se reflètent des halos dorés, une feuille cuivrée s’est posée à la surface d’une flaque d’eau lovée dans un écrin de bitume, une goutte échappée d’un chéneau y plonge parfois en y laissant l’écho de sa chute y dessiner des ronds.

Les chats rasent les murs, les gens se hâtent sous leur parapluie, le canal cavale impérieux sous mes fenêtres, l’onde cascade en franges blanches, les flots se bousculent pressés d’atteindre je ne sais quelle écluse qui peut-être les ralentiront à moins qu’en s’ouvrant elles ne les abandonnent à leur frénésie.

La nuit masque les laideurs citadines. Les réverbères soulignent sobrement les contours des maisons et des jardins, ainsi les disparités se font plus discrètes sous la lune. Bientôt descendront des volets quand d’autres seront tirés dans un claquement de bois et de ferraille, les fenêtres éteintes laisseront enfin Morphée s’éprendre de Nyx ou de Séléné.

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