Dans l’asphalte fendillé où un peu de terre sèche s’est glissée, deux coquelicots ont réussi à se faufiler.

Ils narguent le goudron qui condamne la moindre herbette à chercher pâture ailleurs. Rouge de confusion ils s’inclinent sous le vent qui emportent en passant quelques uns de leurs pétales. La campagne savoyarde se dessine tout en pointillés carminés quand au matin une lumière éclaboussée de rosée descend des sommets. Leurs crêtes ourlent le ciel de la frange crantée des sapins, quelques monts chauves miroirs éblouissants diront toute sa beauté au printemps florissant.

Des colombes roucoulent sur les toits, des hirondelles s’accrochent aux murs et rapinent de quoi étoffer leurs nids, mille bruissements habillent le silence d’un matin encore ensommeillé, la maison s’est vidée, voici déjà revenues les heures laborieuses.

Les coquelicots ondulent sous la brise, leur souplesse étonne les épis tout debout à surveiller l’horizon, parfois rampe un chat entre les hautes herbes, puis s’immobilise une patte déjà dressée, prêt à bondir sur la proie qu’il aura deviné. Les fleurs écarlates ne doivent leur survie sur les talus qu’à la fragilité d’un bouquet à peine cueilli, ces pavots, dans la plus pure des eaux, ne se peuvent sans terre, le plus joli des vases leur devient bientôt un cercueil ! Le rossignol le sait bien qui du romarin préfère se saisir d’un brin…

Quelle plus concise définition de la mémoire, du souvenir, que cette délicatesse, que cette terrible vulnérabilité ! Comme eux, la fleur ne reste indemne que si on la respecte.

Jolis coquelicots, Mesdames…

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