C’est un merle sautillant qui s’ébroue sur une branche de lilas en devenir, sans doute pour fêter ce nouveau printemps déjà occupé à éclore ses bourgeons. Il écarte ses ailes pour mieux les sécher vaporisant alentours la rosée qui au matin s’y était réfugié, une plume volète et s’échoue sur l’herbe humide, l’oiseau sans se lasser s’y reprend et finit par s’envoler terminer son « brushing » plus haut dans les sapins là d’où le vent prend son élan.

La terrasse chauffe ses dalles au timide soleil levant, mais sans doute faudra t’il attendre un moment pour qu’enfin sèchent les mousses que l’hiver a jusqu’ici toléré. Les fauteuils en bois trépignent sous l’abri, la peinture au froid s’est un peu écaillée, quelques coups de pinceaux plus tard il n’y paraitra plus. Les lampions dorment encore accrochés au plafond de la pergola, un curieux poisson de ferraille suspendu à la tringle nue balance sa morosité sous les giboulées, une brique terreuse retient à peine la nappe de plastique qu’on a posé sur la table pour la protéger. Le jardin à peine sorti des bras de Morphée se frotte les yeux et comprend qu’il est temps de se réveiller.

Le petit jour flemmarde sous la brume qui s’attarde, bien des volets sont encore fermés sur les « grasses matinées » mais les autocars emmènent déjà les « lève-tôt » vers leurs ateliers, leurs boutiques ou leurs bureaux. Un grincement métallique, les portes se replient, un voile de fumée grise reste en suspens derrière les tacots, et le ronronnement du moteur s’épuise en s’éloignant.

Une voisine frotte frénétiquement ses carreaux que pour ma part je trouvais pourtant diaphanes, les miens pleurent des larmes grasses sans se plaindre, il est vrai que le printemps à peine installé s’entiche de ménage, mais tout le monde, n’est-ce pas, ne raffole tout bonnement pas ni du chiffon ni du balai… Moi, je privilégie toujours le temps béni d’un, deux ou trois cafés bien chauds qui enrobent les murs d’une douce amertume mâtinée de cannelle ou de cassis. Ce rituel silencieux à peine troublé par le crissement des grains de café broyés m’offre ce moment délicieux où le temps suspend son échappée laissant la matinée s’étirer sans montre au poignet. A peine puis-je y tremper mes lèvres tant la liqueur sombre est brûlante, la première goulée m’échaude le palais en s’écoulant laissant derrière elle une amarescente harmonie d’arômes acidulés qui parfumeront les premiers instant d’une matinée sans projet particulier.

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