Une dame est assise sur un banc. Je ne sais ce qu’elle attend aussi stoïque sous les assauts du vent ?! Son fichu noué sous le menton à peine soulève sa pointe quand une risée tente de le lui arracher.
Que regarde t’elle loin devant elle alors qu’un buisson lui soustrait tout horizon ?… Curieusement installée dans l’aire de jeux destinée aux enfants, là où le parc ombragé ne peut en aucun cas vous assurer d’y pouvoir tranquillement méditer, immobile, elle est simplement posée là, sans peut-être même savoir pourquoi.
Fatiguée par un chemin trop long ? En avance sur un rendez-vous galant ? Elle ne semble cependant manifester aucune impatience, elle est tout simplement là, assise sur ce banc. Les mains posées sur ses genoux, le dos à peine appuyé sur le dossier de bois, emmitouflée dans un manteau de laine grise, telles les statues figées dans le monuments aux morts de la dernière guerre qui émerge sobrement au dessus du bosquet.
A quoi pense t’elle cette femme assise toute seule sur ce banc d’un parc en plein hiver ? Elle est, au fil du temps, toujours impassible, sans projet, comme installée là pour l’éternité, sans aucun confort, je peux vous l’assurer ! Rien ne la distrait de son étonnante ankylose, quelles pensées peuvent à ce point la retenir dans cette bulle feutrée, à moins qu’elle ne songe à rien ? Comment y parvient-on ? Toujours quelque idée vous vient à l’esprit, faudrait-il qu’elle soit somnolante ou endormie, sans rêve par dessus le marché ! C’est incroyable d’être ainsi assise en pleine journée, dans le froid et les alizés, sans broncher ! N’a t’elle donc rien d’autre à faire que d’encombrer ce banc où d’autres pourraient avoir envie de s’installer ?!
L’époque est au sans gêne, je vous le dis ! Cette dame a bien du toupet, au moins aurait-elle pu me saluer quand devant elle je suis passée et se glisser sur le côté pour m’inviter à m’installer ! Mais non, elle ne m’a manifesté aucun intérêt, bien trop occupée à regarder on ne sait quoi… Qu’il est effrayant de constater chaque jour l’égoïsme des gens ! Je ne sais ce qui me retient d’aller lui dire son fait et de la prier de me laisser sa place, non mais, à cette fâcheuse assise sur le banc que bien avant elle je convoitais ! Un reste d’éducation, sans doute, je suis bien la dernière, je vous le jure, à critiquer ! Mais convenez-en, cette dame revêche mériterait qu’on la chasse de ce banc qu’elle croit sien alors qu’il est à qui voudrait s’y asseoir un moment !
Avec toute ma bonne volonté, je ne réussirai pas à changer le monde, n’est-ce pas ? Je préfère m’en aller, l’air ici est devenu irrespirable, tout ça à cause d’une femme sans scrupule qui s’octroie tous les droits ! Mais observez que ce sont toujours les mêmes qui se voient obligés de renoncer aux leurs ! Les « trop gentils » sont à tous coups les perdants ! Ce monde appartient à ceux qui se lèvent tôt pour aller occuper tous les plus beaux bancs et empêcher ses semblables d’en profiter !
Ah, dans quel monde vivons nous et quel avenir sombre pour nos enfants ?!… Si maintenant on ne peut même plus aller s’asseoir sur un banc !