C’était en Autriche, attablés juste à côté de nous, deux couples très âgés devisaient en patientant qu’on leur apporte les plats qu’ils avaient commandé. Nous les avions remarqué, souriants, plein d’attentions les uns envers les autres, emprunts de cette élégance distinguée légèrement raidie dont se vêt toute germanité. Sans doute habitués des lieux, en pension peut-être dans cet hôtel posé au pied des Dolomites, tout de noir vêtus, costumes cravates et robes sobres, la seule fantaisie se perchait sur le chignon tressé d’une des dames, dont aucune mèche ne pouvait s’échapper tant elle avait pincé de barrettes pour les en empêcher ! L’ensemble était amusant, toutes ces pinces en ordre de bataille, cernant une chevelure sombre à peine éclairée de filets d’argent, probablement ainsi contrainte depuis des lustres de brosses en poils de sanglier et de peigne en écaille soigneusement rangé sur une coiffeuse au plateau de marbre…
Toute cette rigidité de façade n’entamait en rien les regards d’amoureux dont ils se gratifiaient, ni des élans de galanterie dont faisait montre son compagnon à son égard. Les deux couples devisaient, presque avec entrain, la gaité de leur tablée nous ravissait. C’est alors que je songeais qu’un jour nous serions à notre tour, de ces « vieux couples » qui, ce soir là, nous attendrissaient. Prenant la main de mon amoureux je lui demandai, faussement inquiète : « M’aimeras-tu encore quand je mettrai plein de barrettes dans mes cheveux ? » « C’est beau un vieux couple », me répondit-il, le regard perdu au loin dans notre avenir….
Vieillir ensemble… S’accompagner dans cette fragilité grandissante, se tenir la main pour, à deux, mieux l’affronter et la dominer, le plus longtemps possible… L’Amour seul procure cette force, que croyez-vous donc jeunes gens, l’Amour, le vrai, n’a pas d’âge, si l’enveloppe jaunit, son contenu s’enrichit, le temps s’effrite mais préserve l’important, les sentiments s’épurent en grandissant, les mains pleines d’arthrose gardent cependant en mémoire l’art des caresses. Elles se joignent tendrement, ne se lâchent plus souvent puisque le temps se compte, avare et si précieux…
Ce temps là n’est hélas pas donné à tous les amoureux… Mon « Ange » n’aura pas eu cette chance, et c’est toute seule que je vais devoir apprivoiser cette pente escarpée, à petits pas prudents je m’y suis engagée, confiante, je ne crains pas la chute prévisible, car un peu plus loin, là-bas, au bout du chemin, il m’attend, moi, avec mes rides, mes cheveux blancs et mes rigolotes barrettes qui pinceront mes cheveux…
Du décor, au début, il y émane une douce scène plaisante puis, ensuite, beaucoup d’émotions révélées par les gestes et regards réciproques des personnes présentes.
Somptueux.
Le constat, vers la fin, est tout autant profond tant il est vrai.
La conclusion est poignante pour finir pleine d’espoir.
Magnifique texte Mo.
Merci
Comme d’habitude cher Alain, vous êtes d’une indulgence méritoire ! Je vous remercie de votre fidèle attention et des analyses toutes en finesse que vous faites de mes scribouillis. Votre sensibilité rejoint la mienne et c’est un véritable bonheur que d’ainsi pouvoir partager ses ressentis. Bon dimanche, à bientôt. Merci.
Merci et à bientôt.
Bises