Dites moi combien pouvaient exister de probabilités pour, qu’en tournant le regard vers ma fenêtre, un vol de grands oiseaux blancs, des aigrettes peut-être, traverse l’azur entre l’enchevêtrement des branches qui ne laisse qu’un tout petit espace de ciel posé au dessus des collines avoisinantes ? Je dirai tout simplement que ce qui doit arriver, arrive, qu’il s’agit de l’alignement de plusieurs hasards soudain de concert pour offrir ou dérober.
Ce matin gris, une sorte de synchronicité m’a permis d’apercevoir, l’espace d’une respiration, ce fil lumineux en contre jour d’une voute celeste encore imprégnée de l’ombre nocturne. Leurs ailes déployées les oiseaux filaient, portés dans l’air, opalines rémiges au vent, comme s’ils ne pesaient rien dans l’éther encore somnolent. Une ou deux secondes à peine, le temps d’un battement d’élytres, je me suis sentie légère, légère, dans le silence des altitudes, emplie des beautés qu’un soupçon de recul permet d’apprécier, allégée du poids des années, des chagrins et des soucis quotidiens, j’étais moi aussi soustraite à la pesante gravité, incorporelle et impalpable, capable de distinguer l’essentiel du superflu, le regard qu’on porte de plus haut a ce pouvoir de discernement qui remet les priorités à leur véritable place, et non à celle qu’on se croit obligés de leur octroyer.
L’azur doucement a soulevé le voile de bruine qui recouvrait la campagne, permettant à quelques rayons d’adoucir les contours du paysage. La matinée s’avançait, repoussant les rêves et privilégiant le concret, quand « mes » oiseaux blancs ne cessaient pourtant d’embellir ma vision des petits riens qui peupleraient ma journée endimanchée…
J’aime ce temps qui soudain semble se figer, me laissant tout loisir de le vivre au rythme de mon âme blottie contre mon coeur, à l’écoute de ses battements de « bonheur à la dérobée »…