La Faucheuse n’a pas sa pareille pour nous priver soudainement de ceux qu’on aime… Sournoise, elle nous fait croire à quelque miraculeuse embellie pour bientôt anéantir tous les espoirs qu’elle avait fait naitre en nous, naïfs que nous sommes, pourtant familiers de ses coups tordus…

Un soir sadique, elle se montre d’une patience diabolique, à nous tenir fébriles et angoissés au chevet de qui peut-être souffre ou s’éteint sous l’étreinte illusoire des tuyaux qui seuls la maintiennent encore en vie. Elle sait se faire brutale et nous laisser abasourdis devant l’inéluctable, la Mort a mille visages que certains cependant, perçoivent, peu dupes de ses costumes de Carnaval macabre…

Elle bouleverse nos existences, nous enseigne l’intensité d’une absence, la profondeur abyssale d’un chagrin, l’impuissance des mots qui s’imaginent pouvoir consoler l’inconsolable… Elle éprouve nos cœurs qui battent la chamade comme pour prêter encore vie à ceux qui s’en vont, sans pitié elle nous laisse éprouver ce silence intense qui soudain résonne entre les murs de la chambre, la cruauté de ce qu’on ne peut nommer, cette seconde qui définitivement nous sépare à jamais.

Si chacun la conçoit à sa manière, selon son histoire, avec ou sans espoir de l’imaginer seulement provisoire, elle ne cesse d’interroger qui la côtoie ou la frôle. Comment ne pas chercher à la définir, comment ne pas éprouver l’absolue nécessité de comprendre cet instant glaçant qui nous confronte à l’inimaginable, à l’implacable. Où donc est passé tout ce qui définit la vie, le souffle qui soulève nos poitrines, la carnation synonyme d’une sève encore vive, la souplesse des gestes qui nous animent ? Où êtes-vous donc, quel inimaginable périple avez-vous entrepris, à moins que votre dernière respiration ne soit qu’une simple achèvement sans autre forme de procès ?….

Moi tout comme vous, abasourdie devant cette immobilité soudaine, cette sensation que plus personne n’habite ce corps à jamais éteint, je cherche en vain ce qui aurait pu échapper à l’emprise de Thanatos, survivre ailleurs et autrement, une façon, me direz-vous de dénier à cette garce de camarde le pouvoir de me torturer à perpétuité…

Il me semble pourtant percevoir autre chose que ce Néant absolu, comme un souffle sibyllin qui s’éloigne quand je m’en approche et me laisse sur mon insatiable faim de discerner autre chose que cette vacuité. A quoi bon toutes les richesses d’une âme, celles qu’une vie sculpte à force d’épreuves et de bonheurs, comment se faire à l’idée de ce Rien que nous serions finalement ? Est-ce mon optimisme inaltérable qui me jour ce vilain tour de croire en l’humainement inconcevable ? Où suis-je suffisamment perméable et attentive à ce que d’autres refusent d’accueillir ?…

Nul ne pourra jamais répondre aux interrogations que soulève cette confrontation immémoriale avec ce sommeil implacable qu’aucun baiser n’éveillera…

A Brigitte, comme à celles et ceux qui sont partis eux aussi, nous laissant seuls face au grand Mystère de cette étrange Absence…

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