C’est l’histoire d’un pull, rose.

Quelque berger jadis, s’endormait chaque nuit au milieu de ses moutons, bien au chaud blotti contre leur laineuse toison. Lui vint l’idée de la ratiboiser pour s’en faire un manteau. Il tondit d’abord un de ses moutons sans d’ailleurs le moins du monde lui demander son avis ! L’ovin chagriné se félicita cependant qu’il ne fut pas aussi embroché comme parfois certains de ses semblables n’y échappèrent pas… C’est que le berger cogitant, se dit que, la laine repoussant, il pourrait plus tard tondre à nouveau le bestiau et vendre ses tontes à qui en voudrait bien. Comptant ses moutons, il se vit bientôt riche d’un monceau de frisottis qui envahissaient sa bergerie, aussi se vit-il contraint d’en lier moultes brins qui; Panurge qu’ils étaient, se laissèrent filer jusqu’à devenir de jolies pelotes toutes rondes et moelleuses.

Une grand-mère qui passait par là, et qui, du tricot connaissait l’art, lui expliquât tout le parti qu’il pourrait en tirer en habillant les frileux… Aussitôt dit, aussitôt fait, l’aïeule s’emparât de ses aiguilles, d’une maille à l’endroit, d’une autre à l’envers, voilà qu’elle tissât de ses doigts tordus mais néanmoins agiles de quoi vêtir les bergers et leur famille…

Sans évidemment rentrer dans les détails de l’infernale escalade de la société de consommation qu’ils venaient d’inventer, bien des grands-mères furent mises à contribution, tandis que les moutons attendaient en grelottant d’être à nouveau suffisamment poilus pour être une fois encore tondus !

C’est ainsi que les années passant, de malins marchands s’entendirent avec les bergers, puis avec les mémés, cupides s’il en fut, pour commercialiser leur tricots au plus offrant. Vous devinez bien que ceux qui s’enrichirent ne furent pas forcément ceux qui un jour tondirent leurs brebis, mais ceux qui, plus malins, en fauchant l’idée première, et leur mangeant la laine sur le dos, s’en firent des ronds !

Tout ça pour vous dire que depuis longtemps s’alignent dans mon armoire des piles de pulls bien utiles quand vient l’hiver et ses frimas. Mais en faut-il autant pour se prémunir du froid ?… Il y en a de toutes sortes, de toutes les couleurs, mais j’en vois un qui, particulièrement, me séduisit un jour d’emplettes inconsidérées, de son rose fuchsia et de sa douceur d’alpaga… On se demande bien où vivent ses drôles de bestiaux et ce qu’ils peuvent bien ruminer pour se prendre pour églantine ?… A moins que d’autres filous n’aient déniché quelque astuce pour de rose les colorer ?!

Quoiqu’il en soit, ce pull rend l’étagère de bonne humeur, il se glisse entre deux plus mornes chandails afin d’attirer l’attention de celle qui, quand chaque matin, doit choisir l’un d’entre eux pour se vêtir. Mais d’autres couleurs sont depuis quelques temps venues lui faire concurrence, si bien que le pull-over rose, dépité, boude ceux qui tout de vert, de bleu tricotés se tiennent patiemment à ses côtés, sentant leur heure bientôt arriver !

N’empêche, ce fut quand même toute une histoire pour en arriver à ce dilemme là !

Mais revenons à nos moutons ! Et songez à tous ces gilets bien alignés, qui ont, hélas, déjà tous beaucoup trop voyagé, chacun d’entre eux aurait bien des choses à vous raconter, et peut-être qu’en écoutant toutes les misères qu’ils eurent à affronter avant de se poser dans vos placards, vous décideriez de leur laisser plus souvent vivre leur vie de moutons et d’alpages…

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