Et balaye le vent les feuilles moribondes sur le chemin humide des frimas qui s’approchent. Chahutées de ci de là comme vulgaire bagatelles, les voilà bientôt contraintes par le râteau à s’agglutiner, un tas croupissant brunit dans une brouette rouillée, triste sort réservé aux feues moirures automnales. La fraicheur s’est imposée, chaque bosquet retient son souffle, la Nature grelotte sous l’averse, quelques flocons tentent un incursion, mais la terre encore tiède les avale avant qu’ils n’aient le loisir de la blanchir. Le silence se fait, seuls quelques oiseaux se disputent encore de quoi remplir leur gosier, le froid a de ces sonorités glacées que rien ne réussit à rendre plus aimables. Le thermomètre dégringole du piédestal sur lequel l’avaient installé des jours meilleurs, il affiche des températures que le gel ne saura plus tard renier alors que l’hiver n’est pas encore au calendrier.

Un écureuil se hâte de remplir son nid de quoi subsister le temps d’une hibernation relative mais salutaire, un exemple à suivre quand s’engouffrera un souffle polaire dans l’entrebâillement de nos portes… Ce matin un brouillard épais s’est emparé des reliefs, seuls quelques arbres au plus près se dessinent encore, curieuses notes colorées sur un horizon de coton.

Ces matinées nébuleuses proposent un repli, une pause sur le chronomètre que nous nous imposons sans toujours une véritable raison. Le cocon des heures de vapeurs est le refuge de ceux qui se sont absentés, ils partagent ainsi l’instant où toute une vie se concentre sur l’échappée de quelques notes cristallines échappées d’un piano, ou celles plus rauques et mesurées d’un violoncelle. En se bousculant, les souvenirs rendent leur présence presque palpable dans ce silence ouaté que les fenêtres emprisonnent, puisqu’au-delà des croisées une brume masque le reste du monde, rien n’en transpirera, c’est un moment qui n’appartient qu’à eux, qu’à nous.

La cascade musicale est à l’image de l’avalanche qui ramène à la surface ce que la neige a recouvert, comme on s’habitue, faute de mieux, à l’idée qu’il faut maintenant vivre sans eux… Reste, dans cette apnée éphémère du temps, le sentiment de leur en avoir consacré un particulièrement précieux, aussi dense que le voile que le ciel a posé sur la campagne environnante.

Je ne peux envisager qu’ils ne soient pas quelque part, ailleurs, puisque parfois si longtemps après eux, persiste, hors du temps et de nos regards, ce petit bout d’âme qui n’appartient qu’à eux, et qui, l’espace d’un moment privilégié, se blotti dans nos cœurs à l’écoute…

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