Les arbres se pressaient au bord de la route, chavirant sous le vent frisquet, leurs branches s’élançant pour glisser un fil noir dans le tweed ambré qu’avaient tissé leurs feuillages. L’été indien s’appliquait à peindre minutieusement ses ocres sur la saison automnale naissante.

Je me souviens des petits rectangles de tissus qu’un carton plié retenait agrafés, ma grand-tante Christiane, couturière émérite, détenait des dizaines de ces échantillons un peu partout disséminés dans son atelier, ses clientes y faisaient leurs choix pour repartir quelques jours plus tard, avec un élégant tailleur, un manteau ou une robe. Des après-midi entiers ils firent les frais de mes ciseaux à bouts ronds et de mes lubies créatrices pour vêtir mes poupées… Tatan souriait devant mes doigts malhabiles tenter de reproduire les savants ajustements que je lui voyais fixer à coup d’épingles sur les bustes de mannequins de toile, parfois directement sur la silhouette d’une cliente qu’elle faisait virevolter au grès des habiles modifications qu’elle apportait à ses créations…

Ce matin, un brouillard épais ajoute un fil de mohair ivoire dans la trame du lainage automnal. La Nature s’enveloppe dans son châle duveteux comme une Diva d’Opéra. Le silence, incapable de s’extraire de cette brume filamenteuse, ajoute à l’ankylose retrouvée une fois le vent tombé. Les bruissements rassurants d’ordinaire, sont étouffés par cette ouate moelleuse épaississant le mystère dont s’est voilé le peu de verdure encore filée ça et là dans le tweed laineux. On pourrait imaginer quelque silhouette fantomatique se dérober au moindre regard trop longtemps posé.

Ainsi vont les fils que tisse le vent au gré des humeurs du calendrier, les cotonnades fleuries désormais remisées devront attendre leurs heures printanières pour habiller les prés et les jardins sous la douceur de cieux plus lumineux, pour quelques mois encore maintenant, la mode fera la part belle aux velours chaleureux et aux tweeds duveteux.

Aux doigts de fée de Christiane LAROCHE, à l’avenue Agutte Sembat (peintre 1867-1922) et à ma filleule Chloé.

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