« Vous tenez le coup » ? vous demande t’on quand une épreuve traverse votre vie sans ménagement.

« Oui, ça va »… répondez-vous en souriant. Comment faire autrement ?

Il est bien difficile de trouver les bons mots pour vous aborder, car le malheur des autre nous met mal à l’aise. Mais existe t’elle seulement cette phrase qu’on pourrait prononcer sans aussitôt la juger bien creuse, dépouillée de l’empathie sincère dont on aurait voulu la remplir… Les mots ne peuvent pas tout traduire, parfois le silence leur est préférable pour peu qu’il soit assorti d’un regard, qui, lui, est capable d’exprimer bien des nuances.

La réponse que vous fait l’éprouvé est elle même des plus banales, vous dire précisément l’état dans lequel il subsiste vous paraitrait d’une impudeur insoutenable, propre à faire fuir le plus bienveillant d’entre vous, car le désarroi fait peur, personne n’a de remède efficace pour guérir un chagrin, panser une blessure de l’âme.

Ces échanges là sont toujours ingrats, même si, sur l’instant, l’intention peut apporter un semblant de réconfort…

Car pour tout vous dire, souvent, les dégâts sont tellement considérables que les décrire friserait l’indécence, tant on est éduqué à éviter de se plaindre, simplement reconnaitre son infortune est déjà mal perçu, or s’avouer anéanti en serait le paroxysme. Faire face, ou du moins le laisser croire est la seule issue qui vous garde votre propre estime et celui de votre entourage.

Cependant ne vous méprenez pas, si la tâche est colossale, elle n’est pas illusoire. Les douleurs réveillent un instinct primaire, survivre.

Ce projet n’empêche en rien que vous puissiez, en votre for intérieur, concéder votre impuissance à vous interdire tout apitoiement sur vous-mêmes. Le constat que vous êtes contraint de faire sur votre être profond est implacable : vous souffrez, vous souffrez énormément, sans oser ou pouvoir le dire, sauf à vous-mêmes, car cette souffrance vous conduirait à des amertumes que vous refusez bienheureusement d’accueillir. Mais la déchirure est bien là, à vous suggérer de comparer, de déplorer. Toute chose vaine qui cependant peut momentanément soulager, à condition de ne pas s’y accoutumer…

Aussi vous le dis-je pour en finir, ces deuils qui prennent toutes sortes de formes, (rupture, divorce, décès, trahison, maladie etc…) ne peuvent s’avérer « supportables » qu’en façade. Qui ne l’a pas enduré ne peut l’appréhender dans sa complétude, personne ne peut prédire ce qu’il « ferait à votre place », justement parce qu’on n’est jamais à la place d’un autre, juste à la merci d’une imposture affligeante.

Reste qu’on puisse, (peut-être), faire nôtres de piteuses postures au creux du cocon protecteur qu’on s’est consciencieusement tissé, pleurer, souffrir, s’interroger, mettre en parallèles ce qu’on subit et ce qu’on pense à tort mieux chez les autres, le malheur n’a rien d’héroïque.

Ce n’est finalement pas mentir que de soutenir aller « bien »… La force d’auto persuasion est une arme incontestable. Elle empêche de s’attarder en se retournant sur ce que rien ne pourra plus changer en s’obligeant à ressembler au portrait qu’on s’est dessiné, comme elle force à puiser en soi des forces insoupçonnées.

C’est ainsi qu’une question sans relief peut en sous-entendre d’autres plus attentives tandis que des réponses vaillantes en masqueront de plus poignantes…

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