Il arrive sans prévenir. Parce que le chagrin est égoïste, il aime être l’unique centre de notre intérêt, il se nourrit de ces moments dont la violence lui fournit larmes et désolations, il déteste la tendresse du souvenir qui, un jour, lui fera office de sépulture…

La seule façon de survivre à ces chagrins indomptables, c’est de faire comme si les endurer permettait de s’y habituer et d’en souffrir un peu moins… A force de s’en persuader, ils se tiennent à distance jusqu’à ce que…

Surgisse ce moment en dehors du temps, où il ne faut plus bouger… Rester les paupières closes, la respiration en pointillés… Le moindre soupir risquerait de nous briser, nous ne sommes plus qu’un regard empli de larmes, un sanglot que nos gorges tiennent encore un instant prisonnier, nul ne doit nous parler, peinant à reprendre haleine, soudain nous sommes pleinement conscients de son exigence, sans pouvoir choisir d’en payer la rançon autrement qu’en l’acceptant. Le souffle se nourrit de l’instant présent, nous ne pouvons augurer du suivant. L’immobilité est un gage de sécurité, aussi longtemps sera t’on statues de cire que la douleur ne pourra pas nous atteindre davantage…

Le chagrin est en suspens, toi comme moi savons qu’il est là… Un instant, juste un instant de répit, le temps de nier de toutes nos forces, d’oublier que cette horreur est. Alors nous ne sommes plus qu’une absolue conscience, fugace, qui peine à tenir en place, mille pensées la perturbent, en un manège étourdissant heureusement elle s’efface… Cette fois encore nous aurons survécu…

Alors, toi qui aujourd’hui découvre les abysses de cette douleur indomptable, laisse ce chagrin te détruire, c’est aussi lui qui te reconstruira à l’image de tes douleurs et de tes espoirs… En essayant de l’écarter de ton chemin tu lui donnes l’énergie et la malice de te rattraper plus tard, plus aguerri que toi, il gagnera, et t’anéantira.

La douleur est nécessaire avant que de trouver l’apaisement, tu ne peux toujours tout maitriser ! Il faut être patient et raisonnable, aucun chagrin ne s’ignore, l’accueillir revient à le désarmer.

La solitude est patiente, elle, qui t’observe appuyée au chambranle de la porte, elle sait que tu ne peux lui échapper, à elle aussi fais les yeux doux, tu peux la tromper, lui filer entre les doigts, la narguer, soit plus malin qu’elle, quand elle comprendra que tu ne la crains pas, elle disparaitra…

A Claude et Élisabeth.

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