Je les regardais tous, s’amuser et courir, quelques chamailles entre deux éclats de rire, sous le soleil savoyard les avoir tous les cinq à la fois autour de moi, un bonheur que je savoure sans jamais me lasser. Oui, je les regardais tous, sans réussir toujours à comprendre comment tout ça avait pu m’arriver à moi aussi : être mamie… Ainsi derrière moi déjà suffisamment d’années pour que mes enfants construisent à leur tour une famille… C’est qu’ils grandissent à toute allure ces petits loustics rigolos, ils n’ont cure de faire de leur âge ma vieillesse à moi ! En les regardant tous en souriant, je trouvais la vie bien étonnante, qui passe presque en un clin d’œil et me voit toute attendrie devant ce spectacle prodigieux que sont mes petits-enfants ! L’idée que je puisse aujourd’hui approcher de l’âge de mes grands-parents me sidère, ils me paraissaient si « vieux » alors, suis donc à mon tour ainsi dans le regard de mes tous petits ? Si tendres et parfois impitoyables, avec leurs questions pleines de bon sens, et leurs constats sans appel :

  • – « C’est quoi, ça mamie ? T’as plein de petits traits sur les lèvres »… – « Oui, mon chéri, ce sont des rides ». – « Pourquoi j’en ai pas, moi ? » – « Parce que tu es tout poupon encore, ça n’arrivera que dans très très longtemps » – « A ben oui, toi c’est parce que t’es vieille »…
  • – « Dis mamie, t’en as déjà vu toi, des dinosaures » ?…
  • -« Ça existait la télé quand t’étais petite » ? « Et des diligences, t’en as vu mamie » ?…
  • – T’as quel âge mamie ? plus de cent ou moins » ?…

Le jardin résonne de leurs cris joyeux, la piscine n’est plus que gerbes d’eau, les voilà sautant en éclaboussant qui de trop près se tient à leurs côtés, sans cesse têtes sous l’eau, je retiens ma respiration jusqu’à ce qu’enfin ils réapparaissent à la surface ! Les mamies sont toutes un peu « casse-pieds » à voir des dangers partout, d’où nous vient cette manie de nous inquiéter pour un rien, eux ça les fait bien rire de nous voir empêtrées dans nos instincts protecteurs, encore un truc dont on ne se défait plus dès la première maternité… C’est ainsi qu’on devient « vieux », à force d’anticiper d’improbables périls auxquels leurs parents ne pensent pas encore…

Les plus grands ont peine à se défaire des cadets, pourtant ils aspirent déjà à ces retraits adolescents, ainsi s’étirent les après-midi, les uns assis tranquillement à papoter, les autres à les enquiquiner pour les convaincre de continuer à jouer avec eux ! Le goûter apaise les querelles et la fringale, une brioche, un quignon de pain et une barre de chocolat, une pomme, mamie prépare quelquefois un gâteau, une tarte ou quelque friandises qui transforment aussitôt le « quatre-heure » en festin, il faut bien que sa présence provisoire rende les habitudes un peu moins ordinaires ! Ça court, ça crie, ça tombe parfois, ça pleure, juste le temps de se blottir dans vos bras pour se faire consoler, ça chahute, c’est une joyeuse ribambelle qui remplit la maison de vie et de bonheur !

Les mettre au lit est parfois compliqué, un peu énervés par une journée pleine d’activités, le sommeil tarde à venir, pieds nus les voilà redescendus, un oubli, une plainte, un bobo, tout est bon pour grailler quelques minutes encore au salon et jeter un œil sur l’écran de la télévision… « Zou ! Au lit, il est grand temps les marmots, ça suffit, la journée fut bien remplie et demain « fête à bras », on est lundi et l’école n’attend pas » ! Ouf, les voilà endormis, la maison s’endort elle aussi, les chats rodent alentours, les poules sont rentrées au poulailler, seul l’écho des terrasses estivales habille l’obscurité d’un léger chuchotement, presque une berceuse qui doucement va s’éteindre dans la nuit…

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