J’ai cueillis des violettes dans le sous-bois d’à côté, elles dépassaient à peine de l’épais tapis de feuilles rousses laissées depuis des mois sur l’herbe qui tapisse le bord des sentiers usés par les souliers de ceux qui s’y promènent. Ce petit bouquet charmant a trouvé de quoi s’abreuver dans un vase que Maman aimait bien, je les ai posé sur la table de la salle à manger à coté des œillets blancs qui trempent leurs pieds dans six tubes à essais en guise d’abreuvoir. Bien alignés, tout le monde les trouverait croquignolets, tous pétales foisonnants à l’idée d’être admirés. Les œillets sont des fleurs sans prétention qu’on réserve trop souvent aux bordures des allées et aux fleurissement des cimetières !

Mais la tradition voudrait que ce matin l’heure soit au muguet… Qui, quelque peu capricieux, adulé qu’il est chaque premier mai, n’a pas daigné trouvé terre à son goût pour proliférer dans l’herbe à l’ombre douce de mes buissons. Moultes tentatives désespérantes m’ont convaincue de renoncer à le prier d’apparaitre toutes clochettes festonnées pour me souhaiter du bonheur toute l’année, et comme mon amoureux n’est plus là pour m’en offrir des « brassées » (si, si), pour de vrai, il fait en sorte de là où il est, de m’en cueillir de bien plus beau que je trouve opportunément posé sur l’étal de mon petit maraicher. J’ai ramené mon précieux petit bouquet, il embaume les jours meilleurs, avec ses petits brins qui s’inclinent tendrement pour me consoler de son absence.

Toute la journée, dans les ruelles, les allées, les places et les coins de trottoirs vont s’installer sur des pliants de toiles les camelots avec leurs cuvettes remplies de ces petits dandys parfumés, vantant à qui voudra bien les entendre la qualité irréprochable de ce que la nature aura généreusement permis qu’ils prélèvent dans les sous-bois alentours ou, plus prosaïquement, eux-mêmes achetés au marché « de gros »… Le muguet, s’il est ravissant, a bien des obligations, qu’il vente ou qu’il neige, il lui faut respecter un calendrier qui n’est pas toujours forcément le sien… Alors, comme les fraises encore pâles et sans goût, quoiqu’il en coûte, on le force à tenir un engagement que seuls nous avons pris, pour fleurir, l’espace d’une journée dédiée au travail, peut-être celui qu’il aura fourni pour nous ravir, à la bonne heure, l’odorat et le coeur…

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