Des livres oubliés se sont endormis sur le bord de ma cheminée, leurs pages bien closes sur l’histoire qu’ils auraient eu à me raconter, il y a longtemps qu’ils ont migré de la bibliothèque des mes parents jusqu’à cet endroit qu’ils pensaient provisoire… Je n’avais pas eu le coeur de les abandonner au triste sort des livres qui n’intéressent plus personne, eurent-ils seulement leur heure de gloire ? Ils recèlent pourtant de belles photographies sur des thèmes qui ont grand intérêt comme la Mésopotamie, l’Amérique Pré-colombienne ou la Grèce Primitive… Leurs pages bien serrées les unes contre les autres, tiennent au chaud ces secrets bien gardés depuis des décennies, je me suis même parfois demandé si elles avaient été un jour simplement feuilletées ?… Ce sont de ces beaux livres qu’on achète au détour d’une exposition, qui sont censés devenir le souvenir concret d’une découverte passionnante, et qui symbole d’un intérêt passager, se transforment en relique poussiéreuse, en alignements prétentieux témoin d’une culture supposée comme ceux des encyclopédies bien rangées dans des décors de théâtre.

Il s’y accumule parfois pléthore de catalogues emportés chez soi pour confortablement réfléchir aux achats envisagés, qui, une fois délogés de la pile posée sur un comptoir, ont peu de chance d’être consultés, à moins que vos petits-enfants ne s’en emparent pour leurs découpages papivores… Nos étagères plient sous le poids de nos élans culturels, succombent à l’indigestion de nos lectures velléitaires…

Que penser de cet amas de connaissances entreposé à l’envi mais si peu exploité, posé comme une invitation à laquelle on tarde à répondre, tous ces feuillets assoupis qu’aucun baiser ne vient jamais réveiller ? La poussière s’y installe sans bruit, grisant les reliures, comblant les rides de carton ou de cuir… Il peut arriver qu’un soir d’hiver un de ces ouvrages soit tiré de l’oubli y laissant son empreinte proprette et vernie, ses voisins en profiteraient alors pour gagner un peu d’espace, se laissant glisser jusqu’à s’appuyer sur l’ordre alphabétique suivant, à moins que peu soucieux d’une progression organisée, ils comptent sur l’arrivée improbable et peu raffinée d’un livre de poche acheté au kiosque de la gare. L’habit ne faisant pas le moine, il n’est pas dit que celui-ci ne fut pas lu, plus encore précieusement gardé pour être un jour partagé.

Tous les bouquins n’ont pas la vie qu’ils mériteraient, dépendants qu’ils sont de nos choix et de nos envies, pour moi les plus attendrissants sont ceux qui, passés de mains en mains en conservent les pages cornées, preuves s’il en est qu’ils furent appréciés, « il s’appelle revient » dit parfois un nom rapidement noté à l’envers de sa jaquette, mais le plaisir de lire est à tout le monde, comme le proclament les volumes déposés dans les « boites à livres » plantées au bord des trottoirs, ceux là y ont été abandonnés, ultime renoncement avant la déchetterie, qui sait si, adoptés pour un soir, ils ne trouvent pas refuge sur d’autres étagères plus hospitalières ?… Les livres peuvent avoir tant de vies…

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