Ce soir là, comme depuis plus d’un mois hélas, mon téléviseur déversait les informations du jour tel un pot-pourri de nouvelles toutes plus effroyables les unes que les autres. Je m’apprêtais à diner d’un simple plat de pâtes, confortablement installée à la table de ma cuisine, bien au chaud tandis que dehors se déchainaient la pluie et le vent, quand saupoudrant de gruyère râpé mon assiette brûlante, je me suis trouvée « obscène »

Pourquoi me direz-vous, il faut bien manger, et me priverai-je de ce plat somme toute frugal que le sort cruel des affamés, des ukrainiens sous les bombes, des victimes de tous les conflits de ce monde n’en seraient pas soulagés… Oui, mais, ce malaise est cependant bien là, quand j’ai la chance de vivre encore dans une quiétude que bien d’autres m’envieraient… Quand il faudrait légèrement baisser le chauffage, voir s’en priver, et qu’un tollé s’élève comme si l’impossible était demandé, alors que ce choix n’est plus possible pour ceux qui là-bas subissent et ne se plaignent pas…

Que penser, ajouterez-vous, des puissants qui eux continueront à voler, naviguer, brûler gaz et pétrole sans que ce soit toujours une nécessité économique ?… L’obscénité sera alors de leur fait, serait-elle moins du mien avec cette disculpation ?… Si chacun demande à l’autre de fournir l’effort le premier avant de s’exécuter à son tour, le chemin promet d’être long….

Et bien sûr, les moyens qu’emploie toute démocratie à l’encontre des régimes despotiques peuvent tout autant apparaître insuffisants et abominablement lents à produire l’effet escompté quand la mort, la souffrance, la destruction d’un pays si proche inlassablement et quotidiennement perdurent pendant que bien à l’abri, l’Europe pèse le pour et le contre, non sans justification, mais si cruellement… Moi, tous ces gens qui gisent dans les rues, assassinés, puisque civils et sans intention belliqueuse, laissés aux soins du gel et du vent sibérien, ce pourraient être les miens, les vôtres, ne trouveriez-vous pas alors les alliés bien frileux et lents à les défendre ?… Sans doute, depuis toujours, est-ce la loi des choses de l’État, la diplomatie s’avère calculatrice, manœuvrière, prudente et stratégique, l’empathie n’y trouve que peu de place, le « bien-être » du plus grand nombre prime sur celui d’innocents qui en payeront le prix fort…

La géo-politique, les intérêts financiers, les dépendances aux ressources, l’indispensable préservation de la paix pour que ce conflit ne deviennent mondial, les limites morales qui s’imposent à nos républiques, tout cela évidemment nous apparait comme autant de faiblesses face aux tyrans…

Ces lignes n’ont pas vocation à poser de la morale sur un sujet qui n’en fait pas cas, ces mots aimeraient soulager d’autres maux, mais je les sais hélas utopiques, si je ne peux changer les choses, au moins puis-je égoïstement, en leur consacrant un peu de réflexion, apaiser ce terrible sentiment d’impuissance…

A Diadouchka (Russe) et Babouchka (Ukrainienne) mes si chers grands-parents.

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