Certaines musiques vont comme une paire de gants à nos mélancolies matinales, dans le ciel immensément bleu de ce jour pascal, la brise légère fait danser les branches des sapins sur celles des Concertos 1 et 2 de Chopin, un bonheur très singulier que je peine à décrire, puisqu’il se nourrit à la fois de cette belle lumière printanière et des notes cristallines qui déferlent dans le silence de ma petite maison, semblable pourtant à cette marée tranquille qu’est le vague à l’âme…

Je suis profondément « heureuse », même privée de ceux que j’aime retenus prisonniers d’un virus qui se joue de nos rassemblements familiaux…

« Heureuse », oui, car tellement consciente d’avoir de la chance, aux premiers rayons d’un soleil qui peine encore à dompter le thermomètre aux nécessités auxquelles aspire la nature, les fenêtres grandes ouvertes sur mes terrasses que l’hiver laisse pour l’heure dans le plus simple appareil…

« Heureuse » de les savoir tous en harmonie, revivant avec tendresse la recherche des œufs dont leurs jardins regorgent, d’où raisonnent les cris de joyeuses surprises de mes petits bouts d’amour tout courants à dénicher les trésors de chocolats bien cachés dans les bosquets.

« Heureuse » et attendrie de ces bonheurs au loin qui me consolent d’être seule, bien certaine de leur attachement, si tendrement entourée. Ce bien-être se teinte parfois, au détour d’une mesure, des souvenirs d’enfance qui me rappellent l’absence de presque tous ceux qui me l’ont rendue si belle, et celle d’autres qui auraient pu continuer à embellir ma vie d’aujourd’hui, mais dont la destinée m’a privé très tôt…

« Heureuse » oui, « envers et contre tout », puisque j’ai pu faire un bout de chemin avec eux, qu’ils m’ont laissé en partant, ce devoir de vacances la : VIVRE ! Vivre et respirer l’air dont ils sont privés, accueillir les bras grands ouverts chaque frémissement de vie, de puiser dans la sève que sont les projets, les espoirs et les rêves… Recevoir comme un cadeau inespéré toutes ces années qui me sont données, en faire quelque chose de joyeux, bien convaincue qu’elles ne doivent pas être gaspillées, mais remplies avec application de tout ce qui sera plus tard, quand à mon tour je partirai, pour mes enfants et petits-enfants, leurs raisons à eux d’être « heureux envers et contre tout »… Le bonheur se résume à ce petit rien qui a la force inouie de rendre les jours pleins de grâce !

A mes enfants et bouts de zan de Savoie et de Lorraine,

à Arthur Rubinstein preuve s’il en est de son application à lui, de confier la mémoire du bonheur dans l’agilité de ses doigts à traduire l’énergie vitale de la musique de Chopin.

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