Qu’ils me ravissent ces matins de Mars que la gelée laisse diaphanes jusqu’à ce que le soleil s’évertue à recolorer de vert l’herbe que la nuit a blanchi. La fraicheur matinale recèle les prémices d’une douceur à venir, dans la pelouse pointent les perce-neige immaculées, quelques primevères téméraires poussent leurs pétales hors de leurs boutons frileux, quelques couleurs ainsi se dressent en étendard sur la terre froide et calleuse. C’est une première tentative de rébellion contre l’hiver moribond mais encore capable de se ressaisir, ne dit-ton pas que les Saints de glace ont encore pignon en Mai ?…

Cependant, les journées s’allongent, les toits sont blancs et scintillants certains matins, mais la lumière n’est plus si tamisée, elle ose se montrer fière et victorieuse dans un ciel immensément bleu. L’azur tourne une page, même si, perdu dans quelques brumes persistantes, il doive relire quelquefois les précédentes avant d’en ajouter une autre. Il s’oblige à ne pas trop souvent revenir en arrière, pour le bien des jeunes pousses précoces. Navré, il les réchauffe d’un timide rayon quand le gel a freiné la nature à peine sortie d’hibernation… Le froid ne mord plus aussi cruellement les doigts, quelque chose a changé qu’on ne définit pas, mais qui laisse présager que des jours meilleurs sont à venir.

Quand la journée se sera épuisée à prouver qu’elle s’était encore allongée, que les heures claires se seront étirées jusqu’à ne plus ressembler qu’à une timide vêprée rougissante devant l’imminence de l’obscurité, la nuit posera un voile sur les heures endormies jusqu’au premières lueurs d’une aube prometteuse.

S’il n’était, aux portes de l’Europe, un homme capable de tout pour étendre son pouvoir de nuisance et se proclamer roi d’un monde qu’il pourrait détruire, s’il n’était, pas bien loin de chez nous, l’absurde et cruelle folie d’un homme aveuglé de puissance, qui, se croyant invincible, oublie bien à l’abri des bunkers, qu’il disparaitra, lui aussi, en usant de ce pourquoi il aura toute sa vie œuvré, dominer le reste de l’humanité.

C’est l’ironie cruelle des destinées auxquelles on ne peut que douloureusement échapper, comme ce petit primevère blanc qui s’extrait péniblement d’une terre aride au pied d’un immense poteau électrique, la minuscule verdure d’apparence si fragile, réussit pourtant à trouver l’énergie de braver le béton, elle s’entête, contre toute attente, et parce qu’elle est petite, bien plus souple que le géant dressé à ses côtés, elle cabre sa jeunesse et se faufile opiniâtre jusqu’à fleurir victorieuse sous les assauts combinés des pisses des chiens et de l’ombre d’un colosse mal avisé…

A Babouchka, ma grand-mère ukrainienne et Diadouchka, mon grand-père russe, dormant sous la pierre rochelaise.

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