Qu’ils sont étonnants ces lourds nuages gris, qui bien que nuées semblent peser des tonnes ! Comment peuvent-ils être si sombres alors que s’en échappent des milliers de flocons immaculés qui recouvrent peu à peu la campagne et ses toits orangers ? La neige peine à blanchir la paysage car elle ne tombe que pour aussitôt se fondre dans l’herbe, la terre n’en conserve qu’un vernis humide, le ciel hésite encore à parer ses larmes d’écume, le jour se voile d’un halo de brume froide, quelques bourrasques soulèvent des feuilles et les entrainent au loin. L’après-midi n’est qu’à peine entamé que sa clarté est engloutie par un ciel si bas qu’on soupçonne la nuit d’essayer de s’en emparer bien avant l’heure.

C’est une photo en noir et blanc qu’encadre la fenêtre, l’air brasse les sapins, agite les bosquets, les corneilles déjà se regroupent, bruissements d’ailes et craillements cacophoniques, la lumière renonce et se tamise, l’hiver, lui, s’est ragaillardi.

Ces jours en demi-teinte, qui peinent à s’imposer me laissent aussi cotonneuse qu’eux, Février n’en peut mais d’être pour moi douloureux, ni les mois, ni les années n’ont le pouvoir de se décréter heureux ou désastreux, le Hasard ou la Nécessité se chargent de leur attribuer une étiquette dont ils ne pourront plus jamais se défaire. Si quatre ans déjà me laissent orpheline de ta présence, et que jour après jour j’égrène nos souvenirs pour seule consolation, que chacun d’eux est à lui seul un triste anniversaire, certains sont beaucoup plus accablants, à moins que, coupables de leur avoir survécu, nous préférions les vivre sombres plutôt que philosophes…

J’ai beau tenter de m’en convaincre, à l’approche de cette date fatidique je me laisse entrainer dans cette spirale infernale où tu meurs encore et encore, je re-vis ce compte à rebours épouvantable sans réussir à m’en échapper, ce tic-tac oppressant rythme le fil de ma mémoire pour toujours, ta mort ne sera « consommée » que lorsque moi et ceux qui t’ont aimé ne seront plus là non plus pour penser à toi…

Et pourtant, au fil des jours, je sais deviner derrière la brume, le chatoiement des jolies choses qui demeurent et ne demandent qu’à être glanées d’un sourire. C’est la seule manière de résister à cet engrenage vain d’un chagrin qui ne veut pas céder, détourner le regard de cette mélancolie lancinante qu’il propose et ouvrir grand les yeux sur ce qu’il vous consent encore de magnifique à vivre, le constat est sans appel, il reste tant à faire pour transmettre cette idée que rien jamais ne meurt vraiment, mais se transforme, et qu’il nous revient d’en faire quelque chose d’honorablement heureux.

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