Ils lancent leurs branches noueuses comme un ultime recours vers un ciel qui n’en peut mais, leurs silhouettes se dessinent d’un trait sombre dans l’azur, l’hiver renonce à regret, le printemps y pose prudemment sa verdure naissante tel un léger duvet adolescent. Leurs troncs centenaires se sont ancrés solidement dans la terre humide, ces géants en imposent aux saules voisins qui s’inclinent larmoyants… La nature a décidé qu’il était grand temps de se redonner quelques couleurs, elle pose du fard sur la campagne, souligne les chemins d’un trait d’herbes vertes, y parsème les fleurs que la douceur de l’air fait éclore en en rien de temps, les pissenlits sèment à tous vents leurs étoiles grises tel un voile vertueux posé sur l’impudeur d’un nouvel Avril…
L’astre du jour se cache sous les nuages cotonneux, la lumière s’y tamise comme le sable glisse entre nos mains entrouvertes, une brise légère ondule les graminées fiérotes d’avoir poussé plus vite que les iris encore claquemurés dans leurs tiges empesées. Du haut du talus, un rouvre déplie ses bras protecteurs, promesses d’ombrage estival, sur le jardin encore indécis. Le sol pentu retient ici et là encore quelques glands dorés que le froid a desséché, qui jamais ne pourront espérer lui succéder. Son écorce, tel un rempart, épaisse et rugueuse l’habille été comme hiver, comme tous les arbres sensés, ses racines se faufilent alentours et se chargent de puiser juste de quoi se désaltérer sans amputer ce dont ses voisins ont eux aussi grand besoin. Beau et puissant il n’a guère besoin de s’en vanter, sa carrure lui octroie de fait son statut de roi, dont il use avec aplomb, assuré qu’il est de n’avoir pas ici plus majestueux que lui.
Deux poules picorent ce qui reste dans le pré d’à côté pour tout déjeuner, elles auront plus tard, en échange d’un œuf ou deux, de quoi se remplir le gésier, d’une démarche plumée elles se pavanent, certaines de ne jamais être mangées, ces poules là sont des dames de compagnie qu’on ose à peine déranger… Et mon chêne préféré, celui qui de très haut me toise indifférent à longueur de journée, mon chêne se pose en majesté, ignorant même les promeneurs, qui, passant sous ses branchages moussus, ne tarissent ni d’éloges ni d’étonnements flatteurs puisqu’ il en a toujours été ainsi, et que rien ni personne n’oserait par ici les lui contester.
J’ai, avec les arbres un lien particulier, nous devisons en silence, le ramage du vent dans leurs frondaisons en guise de réponse me suffit amplement, certain dont je vous ai déjà parlé (cf « Un arbre m’a parlé d’eux » dans mot-a-mo.com) m’ont empêché de tomber et m’ont consolé, d’autres savent trouver comment m’apaiser, jamais ils ne sont sourds aux amabilités qu’on leur fait, voyez donc comme ils pleurent toute la sève de leur corps quand on les blesse, si tout de bois ils sont faits, c’est en tendresse en sagesse tout autant qu’ils ont grandi, et mon chêne comme les autres, n’a de cesse de nous en instruire pour peu qu’on lui prête un peu de notre respect et de notre attention. Chut… Écoutez… Dans le soir qui tombe, quand un zéphyr caresse leurs chevelures, il n’est pas rare d’entendre parler les arbres, ils auraient tant de choses à nous dire…
🙂