La neige s’est évanouie dans l’herbe grasse et humide où les entailles de sabots creusent des rigoles. De la terre brune toute retournée suinte l’eau déglacée où se dessinent des cercles en écho à chaque goutte de pluie tombée. Le ciel est si bas que les arbres ne s’en échappent que grâce au vent qui les ploie. Regarder par la fenêtre me laisse frissonnante, je crois que même emmitouflée je grelotterais, l’air est aussi imbibé que le sol…

Rien qu’à l’idée de mettre le nez dehors je l’ai déjà tout froid, l’humidité traverse les murs, se faufile derrière les carreaux, un seul regard par la fenêtre et la voilà chez moi comme elle serait chez elle !

Rien de plus pénétrant que l’onde sous quelque forme fut elle ! La glace enrobe, le gel fige, l’eau inonde, rien ne peut empêcher sa progression, tout lui appartient en un rien de secondes…

Même le soir qui tombe n’a pas la sécheresse des crépuscules d’hiver, la nuit ressemble à une flaque boueuse où ne se mire aucune lune noyée de brume… Descendent les volets sur la campagne ruisselante tandis que les bourrasques et la pluie en chorégies martèlent mon toit.

La nuit tombe sans ce voile rougeâtre qu’on affectionne et qui rendrait romantique n’importe quel Pierrot à l’affût de l’astre et des mots… Mais elle descend sans se plaindre, sans un mot qui laisserait soupçonner sa tristesse, elle s’accomplit humblement en recouvrant tout se qui brillait l’instant d’avant, elle berce la moitié du monde, jusqu’à ce qu’il s’endorme et rêve de l’aube prochaine.

Glissent dans l’obscurité tous les chats devenus gris, plus un pépiement alentour, le monde s’est recroquevillé à l’ombre des mystères que l’obscurité épaissit et protège. Les poules mouillées ont pris leurs quartiers dans la basse-cour, même les plus fanfarons rasent les murs en se hâtant sous les réverbères, des volets grincent, des portes se verrouillent en claquant sur le ballet des casseroles et des couverts, l’échappée belle des revoirs et les cris aiguisés des gamins turbulents… « Dormez bientôt bonnes gens »…

2 Replies to “De flaques et de rigoles…”

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