Vivre seule c’est observer le monde à travers le prisme de la rupture avec un « avant » qui était souvent plus attrayant, quoique cette expérience soit elle tout aussi intéressante et, selon l’usage qu’on en fait, enrichissante.

Quelque soit l’environnement amical et familial qui tente de vous en alléger, plus vous êtes entouré, plus la solitude s’impose en contraste à l’effervescence que tôt ou tard vous devez quitter pour retrouver votre état d’esseulement. Peu importe la raison de votre condition, soudain tout vous semble encore plus vide.

Cela ne veut aucunement dire que vous en soyez en permanence triste ou malheureux. Je suis éprise de cet « exil » en terre inconnue, où tout est à découvrir en soi, ces moments de « retrouvailles » me sont indispensables, je ne pourrais vivre cernée sans repos. Le choix de ces moments est évidemment une nécessité d‘équilibre et de bien-être. La compagnie de soi-même est de loin préférable à l’intrusion de ceux à qui on n’a pas choisi d’ouvrir sa porte, à condition, bien entendu, d’entretenir de bonnes relations avec ce qui nous « définit ». S’insupporter peut compliquer l’affaire !… Je dirais que la plupart du temps, cette situation peut s’avérer jouissive, puisque débarrassée d’obligations autres que celles qu’on veut bien s’infliger…

Cette solitude là entend elle aussi le silence bruissant.

Tous les murmures de votre maison qu’avant vous ne soupçonniez pas : le craquement des armoires qui s’étirent à la chaleur des radiateurs où l’eau caracole en borborygmes déplaisants, l’écho lointain des volets qui se lèvent ou se baissent chez les voisins, la chute d’un objet anonyme, le battement d’ailes d’un pigeon se posant sur le bord du toit, le ronronnement de votre ordinateur en réponse à votre recherche ou le « bip » infiniment discret d’une « box » , la logorrhée redondante et grésillante d’une radio allumée du matin au soir, et votre voix, oui, celle qui ne cesse de s’exprimer au coeur du silence bourdonnant qui vous drape de la tête aux pieds… Peut-être une façon de réaliser à quel point nous sommes bavards, jamais ne cesse cette conversation qu’on entretient avec soi-même…

Meubler cet « arrêt momentané du son social » peut s’avérer un confort agréable, une musique fait l’affaire, les écrans souvent s’immiscent exigeant des images, des activités et mille autres choses proposent de bâillonner ces soupirs d’impuissance. Pour autant, avec qui partager le résultat de ces gesticulations. Tout, à la fin, porte à souligner votre bilan.

Le regard qu’on pose désormais sur le reste du monde se modèle sur l’humeur du moment, la nostalgie s’empare de ceux qui vivent ce basculement dans l’isolement, d’autres qui n’ont jamais connu autre chose, s’y sont « habitués » sans rarement réussir entièrement à s’en contenter, vient poindre le temps où l’on serait tenté de demander grâce… Mais on ne se défait pas de cette compagne aussi facilement, d’aucuns vous diront combien elle peut être tout aussi prégnante au coeur d’un couple, d’une famille, d’une société…

S’il faut accepter d’en être plus ou moins accompagné toute notre existence, puisqu’on est impitoyablement seul avec soi-même, toutes ces solitudes ne se ressemblent pas, elles ont cependant de nombreux points communs, celui de se voir contraint d’approfondir ce que nous connaissons de nous-mêmes, et de regarder dans les yeux ce que l’encombrement souvent nous voile…

« Pour certains, la solitude est insupportable car ils doivent faire face à leur propre compagnie. »

Gilberto Auraujo de Alcântara dans Pensador Brasil.

One Reply to “Cocon ou prison, c’est selon…”

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