Le portail en fer s’ouvre et se ferme sous les assauts du vent d’automne. Sa ferraille en claquant résonne jusqu’au prochain battement.

Contrairement aux cimetières de campagne qui travestissent la Mort en Sainte-Nitouche, ceux des banlieues n’ont rien de ce qu’on aimerait y trouver : un brin d’apaisement, un peu de ces silences bruyants de la vie d’à côté…

Le minéral l’emporte sur l’ombrage, les allées de graviers crissent sous les pas des chagrins orphelins, on n’y croise aucun endeuillé de connaissance, ici les douleurs sont anonymes, les regards ratissent le sol, les pots renversés ne sont jamais redressés.

Et claque le portail et balaie le vent les larmes tièdes sur mes joues…

Je vais encore, je vais toujours, Lui rendre ces visites récurrentes, avec au fond du coeur cette lueur d’espoir insensée, j’y vais comme on se rend à un rendez-vous d’amour, pressée d’arriver et de Le retrouver… Devant sa tombe enfin, la réalité m’enlace à sa place, Il n’est pas au rendez-vous, son nom gravé dans la pierre sombre ne me convainc plus de rien…

Et claque le portail et s’engouffre le vent dans l’abîme à mes pieds…

Les cimetières sont vides. Les linceuls n’étreignent plus que poussières, l’enveloppe charnelle n’est plus qu’un souvenir blotti au creux de nos accablements, les cimetières sont vides, vos temples, vos églises aussi ! Dieu ici, n’existe qu’à travers nos peurs et ces absences inconcevables ! S’Il est, il est bien ailleurs, absurdités que les actes perpétrés en son nom, Il n’a jamais rien exigé, ce sont des cerveaux schizophrènes qui hallucinent s’imaginant investis d’une mission plus diabolique que sainte !… Pauvres Narcisses que nous sommes à nous accorder tant d’importance !!! Tragiquement ou avantageusement mutique, s’il arrivait que le Ciel chuchotât, « prions » pour que nous autres simples d’esprit n’en interprétions pas si souvent de travers ses hypothétiques aspirations…

Et claque le portail et sonne le glas de nos espérances…

Les cimetières sont vides, ou seulement remplis de nos questionnements, de nos larmes et de nos angoisses. Dieu n’est pas plus ici que Toi, et s’il fallait qu’Il soit quelque part, je l’imagine insaisissable comme le vent qui bouscule ce portail, comme sa musique métallique qui enchaine ma douleur, comme la terre qui nous engraisse pour mieux nous dévorer plus tard … On cherche toujours ailleurs ce qui nous crève les yeux… Toi que je pleure, tu n’as jamais été là, c’est ma détresse qui se rassure au frémissement des arbres là-bas, au sifflement du train qui longe cet affreux dortoir, c’est mon chagrin qui se recueille en vain, Tu n’es pas là…

Et claque le portail et me chasse de l’endroit où Tu n’es pas…

Les années décharnées, désenchantées, désabusées s’entassent telles un mausolée, plus cruelles encore à vouloir me dépouiller davantage, ne suffit-il pas que Tu ne sois plus ici bas, faut-il encore m’interdire toute illusion d’embellie ? Les cimetières sont vides, c’est en mon coeur agonisant que ce qu’il reste de Toi survit, et claque le portail, et résonne Ton absence dans cet ossuaire sans âme,

Et claque le portail comme claque l’abysse que Ta mort me laisse en héritage…

A Jean-Claude, à Bernard, Papa et Maman, à Viktor, à ceux qu’on aime qui sont « morts », à tout ce qui nous échappe et nous laisse abasourdis…

4 Replies to “Claque le portail et résonne la ferraille…”

  1. Tellement exact ! Tellement besoin pourtant d’y aller !
    Et ils ont tous un satané portail en métal qui grince, comme nous, en ressortant, désemparés !

    Oui Clo…..à Eux…

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