Ils marchent comme des automates, à grandes enjambées hésitantes sur la trajectoire à adopter, le nez bas et les yeux rivés sur leur écrans, à l’affût d’une créature virtuelle cachée au coin d’une rue ou d’un bosquet… Au parc verdoyant, ils ne regardent ni les massifs que les jardiniers ont mis des heures à composer, ni les arbres qui laissant l’été s’évanouir, se préparent à enfiler leurs habits mordorés, ils n’ont d’ouïe que pour des bips qui les entrainent dans cette recherche éperdue, ils n’entendent ni la cascade d’eau qui enchante la Moselle citadine, ni les oiseaux qui s’égosillent avant de tirer leur révérence pour des cieux plus cléments, pas plus qu’ils n’aperçoivent le héron qui pêche au fil du courant…
Seuls, ou accompagnés d’olibrius du même acabit, n’ayant cure des allées, ils progressent au travers des pelouses, évitant à grand peine parterres et buissons, puisque droit devant eux trottine une illusion qu’il faut absolument capturer… Dans la rue, bousculant les passants qu’ils n’ont pas vu, ils traversent n’importe où et comment, rien ne semble pouvoir entraver leur chemin, ni voiture, ni portillon de jardin qu’ils poussent sans hésitation pour faire prisonnier l’intrus qui s’y était dissimulé…
Point d’échange non plus, de coups d’épaule de connivence en brusques changement de direction, la conversation se borne à quelques soupirs d’agacement ou de rires niais triomphants… Des enfants, des adolescents ?… Souvent, mais parfois aussi de grandes personnes qui bien sûr, n’ont téléchargé l’application que pour leurs rejetons abêtis qui vont, en file indienne, le nez sur leur smartphone, en promenade tactile, tandis qu’alentours le paysage bien réel ne leur n’apparaît plus que comme un espace dont le seul intérêt est d’abriter quelques fictions improbables…
Triste société qui se voit contrainte d’inventer un jeu vidéo pour, dit-on, inciter ses enfants à mettre le nez dehors… Triste monde dont les habitants sont stupides au point de mordre à n’importe quel hameçon, tristes moutons de Panurge qui foncent « tête baissée » sans réfléchir ni encore moins décider où on veut les emmener…
Si je n’ai rien à opposer aux jeux en général, s’amuser procure des moments agréables, je reste toujours atterrée par tout ce qui provoque des engouement de masse qui ont pour seul but d’abêtir pour mieux manipuler… Mais la liste serait longue, et grand le danger de passer pour une rabat-joie…