Quand je repars de chez vous, mon cœur est sans dessus dessous…

Tous ces moments de félicité partagés me réchauffent l’âme. Vous voir si bien évoluer dans vos jeunes vies me ramène à la mienne plus de trente années en arrière, et je vous prie de croire que le vertige me prend si je m’y attarde un peu trop…

Et c’est là qu’intervient cette curieuse sensation tout à la fois faite d’un ravissement, enveloppant, chaud et rassurant, et d’une mélancolie, empreinte de tristesse et de nostalgie…

Quand je repars de chez vous, je laisse derrière moi vos éclats de bonheurs et ma jeunesse qui s’en est allé maintenant que vous voilà devenus « grands ». D’emblée, je mesure le temps d’une autre façon, comme si le mien s’était volatilisé en millions d’étincelles de souvenirs, comme si derrière moi s’étendait un nombre incalculable d’années de mois de semaines et de jours trop vite passés, me laissant toute déconcertée !…

Étonnée de tant de chemin déjà parcouru, bien heureuse d’avoir pu éviter quelques ornières, un peu contrariée de n’avoir pas été à la hauteur parfois, ou de n’avoir pas su prendre de meilleures décisions… Impressionnée, à coup sûr, de la relativité du temps et des choses… Amusée par la facilité avec laquelle on est souvent tenté de réécrire l’histoire à coup de conditionnels…

Quand je repars de chez vous mes enfants, je suis la plus heureuse des mamans et la plus cafardeuse des femmes, qui, avec le recul que donne l’âge, voit au travers de vous sa vie comme dans un miroir, et ne peut s’empêcher bien contre sa volonté, de s’inquiéter de tout et de rien… On ne gomme pas si facilement les mauvais tours que nous joue le destin, et quelle maman, au regard du sien, ne tremble pas sans véritable raison, tout en espérant le meilleur pour ceux qu’elle aime tant ?…

Ainsi, quand je repars de chez vous, il suffit d’une lune claire dans un ciel étoilé, de quelques notes qui fouettent ma mémoire, d’un peu de givre sur le pare-brise, pour que sur le trajet du retour mille pensées indociles me tourmentent…  Mais rassurez-vous, tout ceci ne dure pas bien longtemps, je ne suis pas d’une nature languissante, et bien vite, de tout cela, je ne retiens que le meilleur. Mon passé tout encombrant qu’il me soit quelquefois, ne m’empêche nullement de rêver ni de faire encore bien des projets… Ces petites brumes passagères rendent à l’évidence le bonheur qu’on a plus précieux encore !

A mes autres vies, à mes cicatrices et aux amours de celles d’hier et d’aujourd’hui…

« Il souffrait de mélancolie. Tu sais ce que c’est la mélancolie ? Tu as déjà vu une éclipse ? Et bien c’est ça, la lune qui se glisse devant le cœur, et le cœur qui ne donne plus sa lumière. La nuit en plein jour. La mélancolie c’est doux et noir. Il en a guéri à moitié, le noir est parti, le doux est resté ». de Christian BOBIN dans « La folle allure »

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