« Je n’ai rien à vous dire, mais je vous le dis quand même ! »…

Ainsi pourrait-on résumer la logorrhée journalistique de ces dramatiques derniers jours après les attentats terroristes de Paris… C’est alors que « parler pour ne rien dire » prend toute sa dimension, quand sur tous les écrans et les radios de France et de Navarre les journalistes « s’étaient donné le mot » pour nous « informer » en direct et en continu sur les dits évènements…

Ainsi fallait-il s’armer d’un certain flegme que nous autres franchouillards ne possédons pas, pour entendre tous ces professionnels de l’info nous assourdir de « je ne peux rien vous dire pour le moment », « je ne vois rien d’ici » ou « j’attends qu’on me confirme cette information que je suis le premier à vous donner mais qui n’est pas vérifiée «  quand elle n’était pas démentie quelques minutes plus tard !!!

Mais taisez-vous donc et laissez faire leur travail à ceux qui tentent péniblement de sauver ce qu’il y a à sauver de vies, de lieux, de renseignements ! Taisez-vous donc et revenez nous parler quand vous aurez réellement quelque chose à nous dire d’important, de confirmé ou tout simplement d’utile en ces jours d’épreuves !!!

Mais non, le plus atterrant est que même certains journalistes d’investigations,  à ranger dans une catégorie de gens à priori plus posés et raisonnables que d’autres, même ceux là ont été saisi d’une incontinence verbale aussi vaine que frénétique !

Je n’ose aborder le sujet de la tournure ridicule ou dérisoire que prenaient certaines de leurs questions (« Comment vous sentez-vous ?… Quelle est l’ambiance actuellement ?… ») à des interviewés que l’on imagine « ciblés » (oui, je sais, l’expression est malvenue…) tant ils ressemblaient à des caricatures ! Car vous imaginez le nombre d’hystériques prêts à vendre père et mère pour passer au journal télévisé, le nombre d’exaltés, de perturbés qui vont se vautrer dans des larmes surprenantes ou dans une angoisse de carnaval pour qui n’est pas directement et si abominablement touché…

Les cellules psychologiques me semblent indispensables pour apporter l’aide nécessaire à court et long terme aux victimes de ces drames. Mais là encore, faut-il en rajouter ? Je suis interloquée quand j’entends parler d’une recrudescence de consultations chez les psychiatres depuis quelques jours, je ne parle pas de Paris où l’on pourrait l’entendre, mais dans la France entière… Les gens ne savent plus se prendre eux-mêmes en charge, ni gérer leurs inquiétudes ou leurs angoisses, et dans l’ensemble, les médias ainsi que notre société tels qu’ils fonctionnent aujourd’hui, fabriquent des assistés !

Trop d’informations me direz-vous, quand tant d’autres luttent pour en obtenir davantage ?… C’est un équilibre à trouver, que je ne suis pas certaine que notre société soit capable d’atteindre, tant elle est consommatrice dans l’urgence et non dans la nécessité. C’est le propre des enfants gâtés que d’abuser de tout et dans le désordre.

Je reste persuadée qu’il y a moyen de faire autrement. Si au lieu d’entretenir ce sentiment d’insécurité, on travaillait à informer précisément et sans prioriser le sensationnel, (l’actualité se suffit bien à elle-même…), partant du principe qu’hélas ils ont ce terrifiant pouvoir de manipuler (ou pas, car la manipulation est tout autant issue des indications qu’on donne ou qu’on ne donne pas…) et d’entrainer derrière eux le troupeau de moutons en quoi toute population risque de se transformer facilement, je pense que le mouvement pourrait être inversé…

Mais tout cela procède encore et toujours de l’Éducation, qui même dans nos pays occidentaux (qui ne se prennent pas pour des billes) n’est pas suffisante encore ! La formule n’est pourtant pas toute neuve, mais toujours d’actualité : « Donnez leurs du pain et des jeux »… Et ensuite on s’étonne de cette rampante bêtise qui fait de notre civilisation un naufrage prévisible puisque nous n’anticipons pas en n’entretenant ni n’écopant rien…

Le pire étant que, nous autres, sous le choc de pareilles sanglantes sauvageries, nous soyons comme hypnotisés par la lumière blafarde de nos téléviseurs, l’oreille tendue aux communiqués diffusés par nos radios, tuners en tous genres, prêts, finalement comme eux, à laisser tomber toute affaire cessante ce que nous étions en train de faire pour entendre ce qui depuis l’aube de cette terrifiante journée, ne nous apprends rien de nouveau, mais ne cesse de faire monter en nous un agacement galopant… L’overdose est proche, trop d’informations tue l’information, il suffit hélas, huit jours plus tard, d’entendre les mêmes pour constater avec effroi qu’une information en chasse une autre… A l’ ère d’internet, des réseaux sociaux, le siècle n’est plus des lumières mais des néons qui clignotent nuit et jour, des alarmes qui hurlent l’urgence d’un scoop, tout va très vite, trop vite parfois, en privilégiant la rapidité à la qualité…

Au-delà des attentats qui nous menacent ici et ailleurs, ce qui me terrifie également c’est cette cacophonie d’avis qui, une fois l’émotion des médias retombée, part dans tous les sens, chacun y allant de ses certitudes et ne souffrant pas la contradiction, ou cette sensation diffuse et angoissante que toute décision urgente à prendre nous demande un temps infini, comme si nous n’avions pas encore pris la mesure de la menace ni des moyens dont nos ennemis disposent… Dès qu’on envisage de toucher à la moindre de nos libertés, c’est un tollé général, serait-ce donc entériner l’idée qu’une démocratie qui ne peut fonctionner qu’avec une unanimité générale, est de ce fait incapable de se défendre efficacement dans la mesure où le simple fait de poser la question est une perte de temps sur laquelle l’ennemi s’appuie pour s’organiser et agir bien avant nous !…

Si les journalistes sont responsables de ce qu’ils font de leur métier, nous le sommes tout autant en ne maitrisant pas correctement l’usage de leurs bulletins et autres journaux… Il existe sur chaque téléviseur ou transistor un petit bouton « marche-arrêt » qui, dans un premier temps, nous permettrait facilement d’en régler le débit selon l’intérêt qu’ils présentent… Quand à nos dirigeants, ils ne le sont que par notre volonté, et il ne tient qu’à nous d’en changer, mais c’est une autre histoire, quand tapis dans l’ombre de cette sombre actualité, d’autres postulants au pouvoir surfent déjà sur la vague du tsunami de nos peurs pour avancer sournoisement leurs pions et nous voler bien davantage que quelques libertés suspendues le temps de vaincre l’obscurantisme…

Soyons donc vigilants, l’ennemi, qui effectivement est partout et multiple, n’use pas seulement d’explosifs pour détruire nos valeurs, le mensonge et la désinformation sont des armes tout aussi puissantes et dévastatrices…

A bon entendeurs…

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