Il n’y a pire compagnie que celle des bureaux, où chacun(e) tire la couverture à lui, tantôt pour exposer combien son travail mérite admiration et… gratifications diverses, voire augmentation… tantôt pour mieux s’y dissimuler, continuer sa nuit ou y camoufler sa paresse…

La(e) collègue de bureau est par essence fourbe. Grands sourires par devant, grimaces et crocs en jambes par derrière…

Mettons l’accord au masculin, une façon comme une autre de marquer de mon empreinte féministe ces mots pleins de fiel… Mais si vous n’en faites pas vos choux gras, je vous avouerais sans ambages que je ne tiens pas pour moins sournois son double féminin…

Il a généralement l’allure banale d’un passe-partout, nous ne parlerons que peu ici des originaux qui faute de discrétion n’y font pas de vieux os !

Certains font honnêtement leur boulot, tout en veillant scrupuleusement à ce que rien ne dépasse ni de leurs piles de dossiers ni de leur coiffure gominée, car se faire remarquer est synonyme de perte de tranquillité… D’autres sont passés maitres dans l’art de ne rien faire tout en donnant l’impression d’être submergés, il y a pour ça mille façons de donner le change : fouiller dans son tiroir, mais pas n’importe comment, il faut alors prendre l’air très soucieux et affairé, évidemment ne rien trouver pour que plus longtemps dure l’occupation, ou bien feuilleter les pages d’un dossier avec attention, ou encore éparpiller mille chemises, feuillets, graphiques, crayons, sur son bureau jusqu’à n’en plus voir la surface ! Tous savent faire en sorte de se donner une importance qu’ils n’ont évidemment pas, et brasser suffisamment d’air pour donner le change plutôt qu’alerter sur une possible oisiveté…

La paresse a un prix exorbitant, l’Ennui, car vous conviendrez aisément que faire semblant peut devenir lassant, pire, ennuyant… Or l’ennui est mère d’oisiveté, on tourne en rond…

Le collègue de bureau ne devient jamais un ami, sauf d’opportunités qui puissent le servir, lui, et de préférence à votre détriment. C’est là un gain de temps appréciable que de savoir qu’il serait vain d’investir dans l’improbable, d’où l’économie d’invitations à diners qui de toutes façons ne feraient que lui faciliter l’intrusion dans votre vie privée…

Oui, car le collègue est un tantinet curieux, toujours bienveillant et prêt à confirmer les rumeurs, à les inventer si besoin était afin de rendre votre vie plus intéressante, comme signalé plus haut, un collègue qui s’ennuie, cherche à s’occuper… Heureusement, dans toute entreprise qui se respecte il existe aujourd’hui des lieux de convivialité, où il est de bon ton, je veux dire obligatoire, d’aller boire un café en compagnie de personnes à qui, au mieux, on concède quelques qualités, au pire qui nous provoquent un eczéma purulent… Mais la vie dans l’entreprise exige un minimum de concessions, le café, fut il abominablement mauvais en fait partie…

Hauts les cœurs ! Voici venir la journée de Cohésion qui intime l’ordre et la nécessité de mieux connaître vos collègues placés dans des situations inhabituelles : il est vrai que vous ne verrez jamais plus du même œil votre voisin de photocopieuse déguisé en vamp fichu sur la tête et poils aux pattes dans des charentaises, ni celle qui vous pique tous vos trombones imitant le cri du cerf en plein rut automnal… Mais une coupe vermeille, trophée du vainqueur des jeux idiots de la dite journée, posée sur l’armoire à classeurs, enchantera tous vos lundis matins … Tout se mérite !

Le collègue est « passe muraille », mais aime se « faire mousser », surtout à propos de ses congés payés, judicieusement casés entre jours fériés et jours « offerts » et donc non comptabilisés dans l’octroi annuel… Le collègue peut parfois être vantard. Et il aime surtout voir votre tronche quand il a posé les dits congés juste avant que vous en ayez eu vous même l’idée, et que là, c’est vraiment ballot, mais c’est trop tard, c’est « validé » et il faut bien une permanence pendant son absence…

Le collègue est opportuniste. Il est vrai qu’avec son maigre salaire, le voilà contraint  de vous faire profiter de toutes les choses inutiles et onéreuses (il faut bien qu’il prenne sa commission…) qu’il va tenter de vous vendre avec insistance, voire par intimidation, lors de réunions rasantes, où vous partagerez le « pot de l’amitié ». Soyons sérieux, le collègue est là pour vous vendre quelque chose, pas pour vous nourrir grassement sur des gains qu’il n’est pas encore certain d’engranger…

Le collègue a l’instinct de propriété : il ferme ses tiroirs à clefs, il  travaille sur SON écran, sur SON ordi, il a tendance à « marquer » son territoire en punaisant des photos de famille sur le mur le plus proche, il a scotché son nom au feutre épais sur le moindre crayon ou sur sa paire de ciseaux, et ne daigne vous prêter quoique ce soit sans vous asséner l’amusant « il s’appelle revient, hein »  ?!… Le collègue a beaucoup d’humour…

Le collègue est économe, il n’écorne jamais son budget avec l’achat de choses certes utiles, mais que l’entreprise peut lui procurer gratuitement… Si bien qu’il ignore depuis des années le prix d’un timbre, d’une ramette de papier, d’une enveloppe, évidemment de tout ce qui ressemble de près ou de loin à un stylo…

Mais le collègue est aussi solidaire : la cagnotte est au collègue généreux ce qu’est aux paroissiens la quête à la messe d’un dimanche pluvieux de Toussaint… Anonyme forcément, la cagnotte fait concurrence aux Pièces Jaunes et finance bon an mal an, les cadeaux de  naissances, de mariages,  de départs à la retraite et…  les coussins fleuris des enterrements… Car le collègue est très pieux, un enterrement est toujours une façon comme une autre d’occuper un après-midi ailleurs que derrière son bureau, le collègue sait aussi feindre la tristesse, ou l’affligement…

Finalement, le collègue est en vérité celui qui ne vous trahira jamais puisque vous ne lui accorderez jamais votre confiance, que vous n’en ferez jamais ni un confident ni un ami ! Mais comme on est toujours, au même titre que l’idiot, le collègue de quelqu’un, je me vois dans l’obligation de baisser d’un ton, qui sait ?…

Cependant je ne serais pas honnête si je ne vous précisais pas que toute règle a ses exceptions, et que pour ce qui me concerne, mes collègues sont absolument exceptionnels !…

 

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