Ce siècle à peine entamé ne me semble plus éclairé que par des poussières de ces Lumières qui, à la moitié du 17ème avaient pourtant courageusement combattu l’arbitraire, l’obscurantisme et toutes formes de superstitions, faisant un triomphe à la Raison, pour qu’enfin les religions ne s’imposent plus comme une vérité absolue ou irréfutable dans quelque domaine que ce soit…

Le second millénaire nous apparaissait il y a peu encore, comme un avenir débarrassé du poids de ces « sornettes », riche des promesses de la Sciences, et consécutivement plein de possibles…

Hélas… Que reste t’ il de ce fol espoir ?…

La Finance, éternel credo, dirige le Monde, décidant et de nos quotidiens, de nos lendemains, voir de nos surlendemains… Si l’ivresse de ce pouvoir (presque) sans limite (l’argent ne pourra pour autant plus acheter ce qu’il aura détruit…) n’est pas nouveau,  il n’aura pas échappé aux religieux ou faux derviches qu’il s’agissait du nerf de la guerre, de quelque nature qu’elle soit, économique ou dogmatique.

Alors que salons littéraires ou philosophiques offraient un espace ouvert à la critique au sens positif du terme, c’est à dire, plus précisément, à l’esprit critique, soit à un échange d’opinions diverses visant à examiner des doctrines, des théories, des assertions historiques ou politiques (là aussi, dans le sens de la structure et du fonctionnement de la société) pour en vérifier la véracité, ou plutôt le fondement objectif, nous voici progressivement plongés dans une forme de pensée unique et péremptoire ne supportant plus l’objection…

Ainsi le langage même devient source d’incompréhension, il faut enrober nos opinions, nos avis, nos observations, les rendre suffisamment insipides pour que rien ne puisse heurter les sensibilités diverses qui constituent nos communautés, rendant toute forme de débat quasiment impossible, inefficace et absurde ! A force de ne pas vouloir voir plus loin que le bout de son nez, on finit par étriquer les idées et faire la part belle à tous les extrémismes !

Si notre actuel ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, a subi des volées de bois verts à la suite d’un faux pas dans un discours récent,  dont on peut regretter la maladresse, je comprends difficilement qu’on puisse à ce point l’attaquer sur la forme sans s’interroger plus sérieusement sur le fond… Car qu’a t’il voulu dire d’autre que la difficulté de retrouver des emplois à des personnes qui n’ont pas eu la possibilité d’être davantage instruits ou formés (milieux sociaux défavorisés, pauvreté, mauvaise intégration, échec scolaire, que sais-je encore ?…) et quand à cette malchance s’ajoute l’éloignement de ces possibles et rares emplois pour ces mêmes chômeurs dans l’incapacité de se déplacer aisément, faute de permis de conduire et de moyens de transports ?… Simplification intellectuelle, facile manipulation des phrases, là encore, on privilégie l’attaque à la discussion objective et la recherche de solutions pragmatiques : encourager la formation continue, l’apprentissage (il est bien temps de s’apercevoir de leur utilité…), d’aider davantage à l’alphabétisation etc…

Dire que certaines personnes auront plus de mal que d’autres à trouver un emploi est une évidence. Le dire à propos d’une entreprise en particulier est un manque de tact, c’est vrai, mais c’est un grave problème pour nombre de chômeurs, qui attendent autre chose des hommes politiques, des syndicats et de la presse que ces vindictes stériles !

Dans le même ordre d’idées, Rebsamen n’a pas dit que tous les chômeurs étaient des fraudeurs, mais que certains ne cherchaient pas réellement du travail en attendant la fin des indemnités proposées, ce qui est une évidence aussi.

Et quand il s’adresse aux Chambres de Commerce pour leur demander de resserrer leurs budgets, il est dans sa ligne de fermeté, refusant d’entendre pour toute réponse un chantage à l’emploi ou à l’apprentissage… « on peut économiser sans licencier »…

Tout ça me conduit à ne cesser de regretter ces polémiques vaines qui ruinent quelconque débat en exacerbant les querelles d’opinions. Là où régnait le Verbe d’un Montesquieu, Rousseau et autre Voltaire, nous ne percevons plus qu’une cacophonie entre mauvaise foi, langage de charretier et injures à la  » Capitaine Haddock »…Chacun campe sur ses positions, n’entendant que ce qu’il veut bien entendre et ne comprenant que ce qu’il veut bien comprendre…

Si « Le dialogue parait en lui-même constituer une renonciation à l’agressivité » selon jacques Lacan, et si « Les orateurs élèvent la voix quand ils manquent d’arguments »… selon Cicéron, nous sommes donc dans le triste (et concret) constat d’un sombre début de siècle…

« Il y a des gens qui ont la susceptibilité de l’huitre. On ne peut y toucher sans qu’ils se contractent. »

Jean-Paul TOULET

 

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