La nuit n’a pas encore renoncé à son règne éphémère quand une mélopée lancinante s’élève des rives de l’île du Der-Chantecoq.

Les demoiselles graciles s’éveillent à la lumière à peine affleurant l’eau dormante…

Bientôt d’une timide rougeur, le ciel s’enflammant fait reculer l’obscurité, plus rien ne se devine et tout est visible…

Les oiselles grises s’ébrouent dans un nuage duveteux, allongent leur cou pour mieux discipliner leurs plumes à petits coups de bec vifs… Et toujours ce « grou grou » qui habille l’espace de leur chant rauque et monocorde…

Bientôt un fil noir ondule dans le ciel au lointain, un fil, puis deux, et un autre encore, c’est un nuage d’oiseaux qui avance vers nos visages levés vers le ciel, émus et toujours étonnés par cet instinct qui les emmène vers le Nord après un hivernage dans la douceur du Sud,  nous veillons  à bien rester immobiles, aussi transparents que possible sur la digue, il faut se fondre dans le paysage  pour ne pas les effrayer…

Leur vol est encore lourd d’une pesanteur terrestre dont lentement ils s’échappent « à tire d’ailes », l’ascension se fait de plus en plus légère jusqu’à nous paraître une évidence, le nuage se divise, entame une ronde à la recherche d’un courant d’air ascensionnel qui les soulagerait d’efforts inutiles, le fil devient V, la première grue cendrée entraînant dans on sillage, deux par deux, ces amies de voyage. Enfin le convoi aérien atteint une altitude suffisante pour que les oiseaux s’éloignent et très vite ne redeviennent plus à nouveau qu’un fil sombre dans le ciel bleu…

Nous restons silencieux, le regard noyé dans la beauté sauvage de cet appel ancestral et de ces vols indispensables…

Les grues cendrées enchantent certains de mes petits matins sans jamais me lasser ni me blaser, les grues cendrées me sont aussi souvent qu’il m’est possible, un pèlerinage sacré…

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