« Mimi »… « Mimi »… « Mimi »…

La voix légèrement éraillée de Joëlle grimpe les escaliers jusqu’à la terrasse, le soleil s’incline poliment devant la lune avant de bientôt disparaitre derrière les hauteurs de Montefollonico.

En fin d’après-midi, quand la chaleur s’épuisait enfin, les chats s’éloignaient dans les champs d’oliviers entamant une chasse paresseuse qui n’inquiétait sans doute guère les souris ou les perruches du coin, habituées qu’elles étaient à leur mollesse repue… En bas, quelques gamelles n’avaient jamais le temps de désemplir tant la pâtée étaient sans cesse resservie,  l’eau ou le lait reversé… Elle aimait les voir rentrés avant la nuit, et sa quête se terminait quand tout son petit monde félin se posait ça et là sur une chaise, un rebord de fenêtre ou un coin de carrelage resté frais.

La maison étroite s’accroche à la pente abrupte comme à un dernier espoir… Chaque pierre s’agrippe à la terre d’où s’échappent de tortueuses racines enlacées aux pans de murs moyenâgeux. C’est une chute douce de murs colorés et rocailleux qui s’effondrent en espaliers sur un jardin de campagne où l’herbe sèche dispute l’humus à l’ivraie et aux silex. Quelques tables attendent des amis de passage, cette maison n’est qu’une douce hospitalité… Creusée en contrebas clapote une piscine aux couleurs de ciel comme une possible fraîcheur, une plongée apaisante, un reflet mouillé…

Les volets de bois verts sont la plupart du temps tirés de moitié pour garder la fraicheur, et quand une porte s’ouvre elle ne laisse d’abord s’échapper que l’envol d’un rideau de filet blanc qui invite les courants d’air à danser.

Sur le côté quelque fil retient au vent le linge fraîchement lavé, tandis que des dizaines de bonbonnes de verres sont posées comme des œuvres d’art le long du chemin de cailloux blancs capturant en passant des rayons de soleil ou de lune…

Une pergola soupire sous une glycine exubérante, une table ronde peine à retenir une toile cirée où un joli saladier lesté de pierres pigmentées assure ainsi sa couverture. Nous  prenons là nos repas, sans nous soucier de l’ heure ni trop garder le souvenir de ce que j’ai pu cuisiner tant nous ne pouvons détacher notre regard de cette peinture toscane dessinée juste devant nous…

Je m’interroge : Se lasse t’on un jour de cette échappée imprenable, sans empêchement, de ce paysage de carte postale, de ces alignements de cyprès et de ces campaniles dressés vers d’improbables paradis ?… Peut-on un soir ne plus les percevoir que comme une banlieue sans âme ?… Ne plus en être ému, ne plus en deviner sa fragile pérennité  sous ses pastels poudrés ?… Klaus et Joêlle m’ont assurée que non, que  jamais ils ne s’en lasseraient,  tant cette beauté est exigeante, délicatement dévorante…

Je suis sereine en m’en éloignant d’elle… Quelque part existe la Toscane… Et si je ne peux ce soir encore la respirer « pour de vrai », je sais que d’autres n’oublient jamais d’en inspirer de grandes bouffées, que ses amoureux ne se lasseront jamais de lui faire les yeux doux, de la protéger et de me la garder belle et accueillante comme une Terre Promise où un jour je reviendrai…

 

Epinal, Mardi 04 Septembre 2012, à Joëlle et Klaus, nos hôtes toscans, qui habillent la villa Grazie de leur douce bienveillance…

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