Un dancing, un dimanche après-midi…

Tandis qu’un tango  entraine les danseurs dans une chorégraphie  argentine, un hidalgo emmène une Barbie moyenâgeuse emballée dans une robe mauve et volantée dans un pas de deux torride et déterminé…

Pour la plupart des couples qui se sont élancés sur la piste, les jeux sont faits depuis belle lurette ! Ils virevoltent sans contretemps, habitués qu’ils sont à leurs accords cadencés et harmonieux. Un deux trois, un deux trois… Une valse… C’est un spectacle étonnant que de les voir dans ce balancement sans accroc, glissant sur le parquet, s’agrippant l’un à l’autre comme s’ils s’étourdissaient pour mieux oublier que tant d’années avaient déjà grisé leurs cheveux…

Leurs cheveux : ceux trop blonds ou trop bouclés de « Dalida » ménopausées, lâchés sur les épaules nues d’un décolleté fripé, ceux trop colorés d’hommes habillés comme des « minets », ou ces mèches clairesemées, ramenées et plaquées sur un front ou un crâne réduit à l’état de caillou vernis… Que ne restent t’ils pas de dos ceux pour qui la silhouette ferait encore illusion ? Las, en virevoltant on les devine vite retraités grimés de leurs musiques nostalgiques…

Tcha tcha tcha, quelques jeunettes sexygénaires osent montrer davantage qu’un genou, leurs maris en retrait, tout rougeots, reprenant leur souffle appuyés au zinc du bar le temps d’une danse de célibataire… Plus loin c’est un « Frédéric François » qui passe une main fatiguée dans sa masse de cheveux gominés, étreignant, fataliste, sa douce moitié dans un slow que seul « Mike Brant » pouvait inventer… Quelques esseulés surveillent d’un œil avisé celles qui semblent être venues sans cavalier, d’ œillades audacieuses en conquêtes maladroites, d’invitations à danser en rebuffades, parfois un nouveau duo s’acoquine et bredouille quelques pas engourdis…

L’après-midi se fatigue entre » rock » et « slow », quelques opiniâtres continuent de s’agiter sur des « jerks » démodés, mais beaucoup se sont assis, attendant un rythme plus lent pour une dernière danse avant de rentrer. Beaucoup d’épuisés se sont éffondrés sur leur chaise, sirotant un verre en les regardant chalouper. Les musiciens tentent de relancer la cadence en vain, les couples sont fatigués et ne leurs réclament plus leurs airs préférés…

Et petit à petit la salle se vide, le dancing n’est plus qu’un bazar de chaises et de tables emmêlées, de miettes éparpillées, de verres vides ou renversés. Des serviettes en papier jonchent le sol griffé de trainées noirâtres laissées par les semelles en caoutchouc. Des portes vitrées s’échappent une odeur rance de bière chaude et de transpiration qui n’invitent guère à un retour en arrière, la danse est bel et bien terminée…

 

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