Parce que l’herbe cernait le chemin, tentant ça et là de grignoter le macadam effrité,

Que le sol herbeux rendait ma démarche souple et légère,

Parce que le soleil donnait au vallon la lumière d’un printemps flamboyant,

Qu’alentours tout n’était que floraisons et gazouillements,

Les champs ondoyant sous un vent léger, alors qu’au pré broutaient vaches ou agneaux de lait,

 Je me suis souvenue combien cette terre me manquait…

Loin de mon village, là-haut sur mon plateau entouré d’arbres et de verdure, ma petite maison prend souvent l’allure d’une campagne… De grands sapins l’abritent ou la menacent au gré de l’humeur des saisons, Avril colore le verger, les senteurs partout s’échappent des froidures hivernales. Mais la ville plus bas bougonne, les fumées et les relents inlassablement tentent de gravir la colline pour la salir… C’est une interminable querelle de voisinage, une lutte sans merci…

La nature ici n’a plus tous ses droits… Des jardiniers la domptent à coups de cisailles ou de sécateurs, il n’est plus jamais question de forêts mais de parcs aux allées policées, les fleurs sont sommées de ne pousser qu’alignées sur des massifs bêchés, partout l’ivraie a été sinon anéantie, du moins apprivoisée…

L’horizon est tout aussi maîtrisé, rarement dégagé, réduit à quelques rangées de toits bornés de pylônes. Si la rivière réussit à se débarrasser des brumailles matinales et polluées, il arrive que la perspective s’étire jusqu’aux collines bleutées. Me manquent l’azur posé sur l’étendue verdoyante entre les vallons, les courants d’air ou la lourdeur du ciel avant l’orage… Me manquent les silhouettes penchées sur les sillons, l’écho des aboiements s’élevant de la cour des fermes, l’odeur âcre du lisier couvrant celle douce amère du forsythia…

Le temps d’une promenade champêtre me rejoint ma jeunesse à contre-jour, une bouffée de nostalgie m’évoque l’envie de rebrousser chemin, comme si l’histoire se laissait aisément réécrire, comme si à force d’y croire très fort le temps pouvait s’être immobilisé à l’heure de ce qu’on ne savait pas nommer bonheur…

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