Un gastéropode…

Qui s’invente mille coquilles pour se retrancher d’un monde laborieux. Coquilles d’excuses bidon, coquilles d’inertie ou de silence…

Qui se lève à contre-cœur. Et met des heures à démarrer sa journée de tire-au-flan. Tout lui semble fastidieux. Tout lui prend un temps fou : se faire un café, trouver une tasse ou chercher le lait dans le frigidaire. Tout l’épuise, à commencer par cette perpétuelle agitation qui s’empare de tous ceux à qui l’avenir appartient très tôt le matin…

Il eut autrefois un métier. Qu’il a oublié, comme il a oublié l’idée même de travailler… Le travail… Il dit en chercher, mais redoute tant d’en trouver qu’il préfère aussi oublier de s’y présenter… Les trains comme les bus sont toujours en grève, les patrons exigeants et profiteurs, les autres en général ne le comprennent pas, rien n’est jamais de sa faute, et la crise, comprenez-vous, n’épargne pas les gens de son âge…

Il a rayé de son vocabulaire tous les mots qui seraient susceptibles de le fatiguer, mais il sait parfaitement orthographier tous ceux qui lui permettront de ne pas bouger. Il pratique à merveille l’art de ne rien faire sans jamais s’ennuyer, ou celui d’avoir l’air très occupé dans l’inactivité ! La sieste et la grasse matinée ont des vertus insoupçonnées, les pauses sont indispensables, l’énergie une denrée si rare qu’il faut l’économiser…

Il feint d’être sourd, ce qui facilite sa propension à ne comprendre que trop tard ce qu’on pouvait attendre de lui. D’ailleurs, il en est toujours désolé… Il regrette à chaque fois beaucoup de ne pas l’avoir su plus tôt, sinon, vous pensez bien, c’est avec plaisir qu’il vous aurait rendu service… Les regrets dont il vous inonde ne vous agaceront que bien plus tard, il sait d’abord se rendre sympathique, et pour peu, vous finissez par le protéger de toute agression, car c’est ainsi qu’il nomme la moindre sollicitation… Le pauvre a tant de soucis… Et vous avez autour de vous d’autres personnes tellement plus disponibles…

En général, il traine une fatigue récurrente qui l’empêche d’être à l’heure, de santé fragile le moindre rhume le terrasse, il est aux aguets du microbe sans gravité qui, nonobstant, lui offrirait un « Arrêt de Travail », situation des plus honorables permettant d’augmenter le nombre de ses « RTT », de ses week-ends ou de ses « C(ongés) A(nnuels)… Notre homme maîtrise mieux qu’un académicien certaines majuscules de l’alphabet qui, judicieusement agencées, augmentent ses C(ongés) P(ayés)… Il n’est fin gourmet que chez ceux qui ont le temps de cuisiner et se contente chez lui de plats déjà préparés… Il ne rend aucune invitation, c’est trop compliqué, ou alors au restaurant, quand il y est vraiment obligé… Il porte des chemises ou des pantalons qui ne se repassent pas ce qui lui donne une allure négligée, il est toujours fauché, la vie devient chère quand on veut se la simplifier…

Sa patience est sans limite. Pourquoi devancer l’appel et proposer d’accomplir ce que d’autres font tellement mieux que lui ?! Il est très discret, moins on le remarque mieux il se porte ! C’est un passe muraille, le contraire d’une velléité, l’ombre d’une générosité. C’est un couard par peur de l’effort, un indifférent sans passion, un flemmard opportuniste…

Vous en connaissez ?… Moi aussi, quelques uns, dont pour cette fois je tairai encore les noms…

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