Elle préfère ne pas lui donner d’âge, ça la vieillirait davantage…
Il se dégage de sa jeunesse une élégance rare.
Elle s’étonne de la simplicité avec laquelle il s’adresse à elle, comme s’il ne s’était pas aperçu du nombre d’étés qu’elle avait déjà traversé…
Elle pense à lui sur la pointe des pieds pour ne pas risquer de briser cette fragile complicité…
Il ne se passe entre eux rien que la lucidité ne puisse envisager, mais elle frissonne quand il la regarde, honteuse de ce désir d’un autre âge…
Étonnée d’avoir déjà tant vécu, naufragée d’une génération fanée, elle n’en finit pas de peser les années qui l’espace d’une nuit compteraient double…
Elle interroge sans fin son miroir qui pour toute réponse lui renvoie simplement son image…
A-t-il simplement une idée de l’empire qu’elle lui concéderait si seulement il y songeait?
Elle y laisse toute son assurance tandis qu’il semble innocent du charme qu’il promène au bout de son sourire, elle se découvre timide, ne trouve plus ses mots ou les bredouille dans un pauvre murmure.
Sa peau halée à peine ombrée d’une barbe naissante ne réussit pas à l’envieillir, elle ne peut s’empêcher d’imaginer la sienne, douce encore, trouver refuge auprès de ses printemps ardents.
Elle craint qu’il n’ait senti sa faiblesse et qu’amusé il en joue, à moins qu’attendri par tant de puérile maladresse il ne s’interroge sur la candeur de ces femmes qui ne retiennent de leur âge que celui qui sied à leurs émotions.
Elle parle d’île déserte et de paillote au soleil pour oublier qu’ici le ciel est bas et gris, il répond : « Seul, ça n’a pas vraiment de sens. Elle sait tout ça très bien mais ne sait plus, devant lui, qu’ énoncer des platitudes.
Il lui dit : « A bientôt, sûrement, je vous appelle, nous prendrons un verre ou un café. » Elle répond : « Peut-être, pourquoi pas ? » mais pense : « Il n’appellera pas. »
Il s’en va sans se retourner alors que déjà elle supplie le hasard. Elle s’en veut de cette envie de lui, de son corps qui la trahit.
Il s’en va là où elle n’a pas sa place.
Au coin de la rue il n’aura retenu d’elle que sa quête pitoyable, il s’en moque et oublie même d’en rire puisqu’elle n’existe déjà plus.