Le jardin avait perdu sa rousseur sous les vents pluvieux de Novembre. Les feuilles qui tapissaient le sol avaient pris les couleurs de la terre mouillée. L’air humide enrobait la nature d’une moisissure noirâtre qui s’enlisait tristement dans un hiver aux douceurs surprenantes.

Mais ce matin il s’est mis à neiger.

Un voile de flocons s’affale lentement sur le jardin couvrant bientôt la campagne d’une mantille blanche. Partout le silence s’installe comme si le froid s’emparait de chaque bruit sur son passage. Quelques passereaux surpris s’enfoncent dans la haie dénudée et pépient en gonflant leur plumage. La faim déjà les tenaille, ils volètent, picorant ça et là le peu de graines épargnées par le gel de la veille.

Un chat traversant l’allée y laisse l’empreinte de ses coussinets, se fige un instant à l’affût d’un moineau au vol hasardeux, puis reprend sa marche éthérée.

Le paysage blanchit sous l’averse qui s’opacifie, l’herbe renonce et disparaît sous un tapis blanc. Les arbres élancent leurs branches chauves vers un ciel plombé et l’écorce brune pâlit sous la giboulée.

Sur la terrasse les buis font le dos rond et portent la calotte, le lierre court sur le mur dans l’espoir d’échapper à la froidure, quelques pots abandonnés se sont fendillés laissant racines et terreau dégringoler sur les dalles de pierres veinées. Une chaise en fer forgé se protège du vent appuyée contre la table ronde oubliée là après l’été. Incongru dans ce paysage hivernal, la carcasse d’un barbecue noirci par la fumée des grillades semble être le seul à accueillir de bon coeur cette fraîcheur bienvenue après tant de fournaises caniculaires…

Tout semble anesthésié et le relief s’efface sous le manteau blafard. Le monde ailleurs parait s’être rétréci, il a dû s’arrêter de tourner tant l’immobilité s’est partout installée.

La chute n’est déjà plus qu’une légère brume, plus loin le rire des gamins emmitouflés annonce l’accalmie. Un bonhomme ventru pointe la carotte qui lui sert de nez vers le balai de paille qu’on lui a planté sur le côté. On entend le raclement des pelles de bois qui dégagent les trottoirs et le piétinement sourd des bottes que l’on tape sur le perron avant de rentrer chez soi.

Dans la rue des voitures roulent au pas et creusent des sillons gris, d’ici peu la neige salie ne sera plus que flaques grasses éclaboussant les piétons aux pas hésitants, car la pluie, déjà, a repris l’avantage.

La pénombre tombera plus tôt encore ce soir tant le ciel est lourd de promesses blafardes. Des volets descendent en grinçant, se laissant traverser par des rais de lumières, les maisons se recroquevillent pour mieux garder la chaleur au sein de leurs murs. La lumière enfin capitule et laisse la nuit envelopper le quartier glacé…

One Reply to “Il neige…”

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *