Toi…
Tu t’approchais de moi avec autant de vigilance qu’un démineur d’une bombe à désamorcer…
Tu m’observais de loin comme à l’affût de je ne sais quoi qui aurait pu trahir une part d’ombre de moi…
Tu ne savais nommer ce que tu voyais…
Il te semblait apercevoir dans une brume comme un espoir oublié, mais le contour en était si flou…
Alors, doucement, tu t’approchais à pas feutrés, si je bougeais un cil, tu reculais…
Moi je t’avais tout de suite reconnu, mais toi, tu ne te souvenais pas de moi…
De loin, dressée sur la pointe des pieds, j’agitais les mains, je criais ton prénom, je t’appelais en vain, tu faisais celui qui n’entendait pas.
Fatigué par des années de batailles, trahi par autant de mensonges, presque vaincu et lassé d’espérer, tu t’étais retranché…
Seul un reste de curiosité te poussait à me regarder. Et tu ne cessais d’en être étonné…
Tu t’étais un peu rapproché, mais ce que tu distinguais de moi n’était pas fait pour te rassurer… Si limpide que je sois, ma transparence était une raison de plus de te méfier de moi… Tu plissais les yeux, scrutant le moindre indice de duplicité… Deux ou trois pas de plus, là, tu me distinguais mieux… Mais où était donc le vice caché ?
Je me pensais fragile mais là, c’est toi qui tremblait de peur, égaré en pays étranger. J’aurais aimé te rassurer, te prendre la main et te montrer le chemin, mais depuis longtemps déjà tu ne faisais plus confiance à personne, même pas à toi… Alors tu restais là, immobile à l’orée de ton cœur…
J’ai compris qu’il ne fallait pas t’effrayer, je ne savais plus à quel saint me vouer. Quoique je fasses je représentais à tes yeux un danger… J’espérais que tu viennes vers moi, je ne bougeais presque pas, dès que je m’avançais, tu t’en allais…
Pour t’apprivoiser j’ai tout tenté, tu avais beau te cacher, m’éviter, tout faire pour m’en dissuader, moi je savais que c’était toi que j’attendais…
« Viens, approches toi, ne sois pas si frileux, je passais juste par là, je t’ai aperçu, c’est juste pour ça que je suis venue…
Ne t’inquiètes pas, je ne veux rien que tu n’aurais plaisir à me donner.
Baisses donc ta garde puisque c’est moi, j’aimerais tant être davantage qu’un joli souvenir pour toi… »