Les cimetières avaient un autre air avant toi.
Ceux que j’allais y visiter avaient suffisamment longtemps vécu pour que j’y trouve même comme un apaisement. Silencieux par essence et pourtant bruissants de toutes parts ; le feuillage des arbres bercé par la brise, mouillé sous l’averse, le pépiement des oiseaux… Souvent posés aux abords d’un village ou d’une ville, recueillant les effluves sonores de la vie qui plus loin s’agite encore… Résonnants de la mémoire de tous ceux qui, contraints, l’habitent pour longtemps. Témoins de tant de chagrins et pourtant semblants sereins sous l’alignement des granits et le tracé des allées…
Non, ils ne m’ennuyaient pas plus que ça.
Voilà maintenant que tu en habites un, alors que tu aurais du avoir encore un bon bout de chemin à parcourir… J’ai aujourd’hui une douloureuse raison de m’y rendre.
Depuis des mois je m’y rends très souvent. Peut-être espérant y retrouver une trace de toi, y sentir ta présence alors que partout ailleurs tu t’obstines à t’en aller… Mais plus j’y vais plus je reste persuadée que ce n’est pas là que tu es. Non, tout ce silence, ce ne peut être toi. Il faut que mes yeux heurtent les lettres de bronze qui écrivent ton nom pour qu’un instant seulement je réalise que c’est bien toi qui est là. Mais tout aussitôt l’angoisse de ton absence s’éteint, car ce n’est pas ici que j’ai du chagrin.
Il avait tant neigé ces jours là qu’on ne distinguait plus les allées et à peine les tombes. Du revers de la main j’ai balayé l’épaisse couche cotonneuse qui recouvrait la tienne. Comme pour que tu puisses mieux respirer… La rose blanche que j’avais posée sur la pierre avait pris des couleurs de terre. J’ai renoncé à découvrir davantage ta nouvelle adresse. Cette neige tombée fraîchement te faisait un édredon de flocons et je me suis bêtement dit qu’il te tiendrait chaud…
Quelques jours plus tard, revenant sur mes pas, la neige avait fondu. Ne restaient que ces gouttes d’eau qui telles des larmes glissaient en silence sur le granit vert. Un timide soleil d’hiver s’évertuait à les sécher sans y parvenir. La douceur de l’air se voulait comme une tendre consolation. J’ai eu pour un instant l’ impression que mieux que les humains la nature comprenait mon chagrin…
A Bernard,
Le 28 Août 2009 – Quatre ans –