La Pointe de Conguel se gagne en longeant d’abord la grande plage de Quiberon, puis, afin d’éviter l’envahissant et luxueux Centre de Thalassothérapie, en descendant entre les rochers affûtés qui amènent aux rivages qui bordent le littoral.

 Le reflux commencé depuis peu laissait une bande étroite de sable humide sur laquelle une flopée d’huîtriers se pressaient pour marauder quand l’eau se retirait. Ils trottaient si vite qu’on avait peine à  distinguer leurs fines pattes noires, on aurait pu croire qu’ils n’en avaient pas, ou qu’ils voletaient en rase-mottes… Brutalement ils s’arrêtaient et picoraient aussi vite qu’ils courraient, et c’étaient leurs becs qu’on ne soupçonnait plus !

Puis la vague remontante les soulevait, et ils s’y balançaient jusqu’au reflux suivant. Inlassablement cette chorégraphie se répétait…

La grappille semblait bonne, pourtant peu de coquillages affleuraient sous le sable, et nous nous interrogions sur le peu qu’ils y trouvaient à  glaner.

La brise n’entamait en rien l’idée d’un printemps précoce, au gré de notre promenade sous un soleil généreux, nous quittions nos pulls et les nouions autour de la taille.

Notre regard se portait sur l’océan qui ce matin semblait presque immobile tant la marée se faisait dans une langueur estivale. Au loin un petit chalutier s’attardait en remontant ses filets, quelques voiliers tentaient de faire du vent leur allié.

A la lisière du sable sec, des paquets d’algues vertes et humides commençaient à  brunir sous les rayons ; galets, coquillages brisés, bouts de ficelles usagés s’y mêlaient, tristes poubelles échouées…

Nous progressions sans hâte, observant les goélands se disputer leurs prises et nous gratifier d’un ballet aérien digne des meilleures escadrilles, leur vole ample de planeurs brutalement interrompu par un piqué vertigineux, puis la pêche faite, par une ascension tout aussi abrupte.

La plage parfois se barrait d’une cascade de rochers en schistes acérés, nous obligeant à  chercher un passage où nous trouverions appui pour ne pas risquer de glisser. Nous découvrions alors au détour d’une petite crique de quoi encore compléter notre album de souvenirs numériques…

Et c’est ainsi qu’elle nous apparut, alors que nous venions de franchir un morceau d’herbes rugueuses protégées par un petit parapet :

Debout entre landes et bruyères, elle regardait la mer de ses deux fenêtres sans volets appuyées sur son toit d’ardoises grises tachées de mousse jaunie. Les contrevents de bois bleus du rez-de-chaussée étaient clos sur une façade brossée de chaux blanche, un appentis la prolongeait sur le côté, flanquée d’une porte et d’une fenêtre plus discrète. Deux hautes cheminées larges et plates prolongeaient les façades latérales semblant s’être donné le mot pour l’étreindre et l’empêcher d’aller plus loin…

Mais qu’aurait-elle gagné en s’éloignant de son minuscule promontoire d’où elle pouvait à  perte de vue jouir d’une eau qui quelque soit la saison se confondait avec l’horizon ? L’océan devait lui apparaître d’autant plus démesuré que le ciel en y plongeant s’y reflétait dans un mélange de bleus et de nacres dorées.

Tout en elle semblait silencieux. Les risées se perdaient dans un massif d’ajoncs et de yuccas accrochés aux rochers d’où émergeait un petit muret sensé l’en protéger…

On soupçonnait un cèdre poussé sur l’arrière-cour, quelques branches agitées par un vent léger caressaient le bord de son toit, comme un signe qu’elle nous faisait alors que nous la croisions sur notre chemin, et je ne me souviens plus si je ne lui ai pas répondu d’un signe de la main…

Nous avons du à  regret la laisser sur sa pointe sèche et salée attendre le retour de ceux qui ont le bonheur de venir parfois s’y reposer…

Mais au coeur des frimas qui pour un moment encore givrent mes carreaux, je pense souvent à  cette petite maison de pêcheur que je ferais bien mienne…

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