Scritch, scratch,Tac Tac, Scritch, scratch, Tac Tac, Scritch, scratch, Tac Tac…

Nous progressions au rythme consciencieux et régulier de nos raquettes entamant la pellicule glacée, tandis qu’en écho lui répondait le piquage de nos bâtons perçant la fine pellicule de givre qui avait durcit la neige pendant la nuit.

Scritch, scratch, Tac Tac, Scritch, scratch, Tac Tac, Scritch, scratch, Tac Tac…
L’ascension fut silencieuse, le souffle court, la gorge douloureuse à  chercher l’air. Le regard bas pour ne pas voir combien la pente était raide et encore longue à  monter.

Les pieds lestés, empaquetés dans des chaussures de randonnées solidement attachées aux raquettes qu’on nous avait prêté, nous avons grimpé jusqu’au sommet des sentiers fléchés.

Scritch, scratch, Tac Tac, Scritch, scratch, Tac Tac, Scritch, scratch, Tac Tac…

Chacun de nos pas soutenu par nos bâtons de pèlerins, chaque mètre gagné en s’accrochant à  la neige durcie par le froid de Janvier.

La chaleur de nos corps mouillait nos habits de frimas, nous entassions dans nos sacs le trop de laines emmenées et retroussions nos manches comme avant un effort qu’on nous aurait demandé.

Les Hauts-Rupts se méritaient ! La neige posée sur les chaumes scintillait comme un ciel d’été, un diamantaire y aurait fait fortune tant les cristaux se jouaient des rayons d’hiver !

Les arbres ne trouvaient pas le temps de forcir tant l’épaisseur de la neige les empêchait de grandir. Ils pliaient sous le poids, se voutaient bien avant de vieillir et le printemps revenu ils ne se redressaient plus.

Pas un bruit, si ce n’est celui de nos larges souliers entamant la couche fraîche neigée la veille. Parfois une branche craquait sous nos pieds. Les tourbières sombres ressemblaient aux empreintes qu’un géant aurait creusées en fuyant à  grandes enjambées.

Laissant derrière nous le chemin de crête, nous descendions lentement vers la forêt de sapins qui tirait ses volets sur le soleil de ce début d’année. Sous nos gants, le froid rendait douloureux le bout de nos doigts crispés. La goutte perlant au nez nous continuions d’avancer. Si l’un de nous disait un mot le gel s’en emparait aussitôt jusqu’à  le désespérer de se faire un jour entendre…

La descente nous raidissait tant il fallait éviter de glisser, les crampons dérapaient sur le verglas tapi sous les flocons, nous passions le long d’un ruisseau immobile qui se lovait en une étreinte glacée contre la rive gelée. Les éboulis de rochers gris semblaient miraculeusement paralysés au bord du sentier. Plus loin quelques arbres avaient renoncé, leurs troncs s’entassant et se mêlant aux ronces sèches d’un reste d’été.

La montagne doucement nous abandonnait tandis que plus bas le ruisseau s’était libéré. L’eau trop longtemps prisonnière cascadait charriant quelques glaçons, reliques d’un amour disparu à  force de tiédeur. Les herbes reprenaient vigueur, la mousse habillait de nouveau les talus, au loin un chien aboyait, nous croisions d’autres randonneurs, la terre s’accoquinait aux rubans de neige grise qu’un rai de lumière avait tôt fait de transformer en gadoue d’automne.

L’après-midi s’avançait et discrétement la pénombre gagnait, la brume descendait sur la vallée, l’horizon se floutait de parme et de fuchsia, l’heure était venue de rentrer…

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