Je les vois chahuter sur le canapé, la plus petite répétant à l’envie chaque galipette de son grand frère, c’est une avalanche d’éclats de rire stridents, l’excitation est à son comble, il va falloir les calmer pour éviter que le jeu ne finisse en capilotade… Mais je me sens soudain ailleurs, le chahut me parvient cotonneux, le Temps m’aspire, le Temps m’aspire…

Pourtant pas si vieille encore… Tout juste à l’âge d’être grand-mère cependant, et par conséquent d’un « certain » âge justement… En quelques secondes mon Passé défile sans chronologie ni attribuer quelque ordre d’importance aux évènements qui le jalonnèrent… Un désordre plus ou moins joyeux, parfois douloureux… En fallait-il autant pour en arriver à ce charmant bazar?… Tant d’années déjà derrière moi ?…

Le Temps m’aspire, le Temps m’aspire…

Dimanche, mon oncle Michel s’en est allé… Il faisait partie de ce cocon douillet que forment nos ainés, tant qu’ils sont là, tout « adulte » que nous soyons,  ils nous protègent de je ne sais quoi, et puis le cocon se déchire et nous laisse, comme tout orphelin, à la merci de mille possibles dangers… Nos aînés, on avait fini par les croire éternels, et nous voilà presque surpris de ne plus les trouver ! Nous voici à notre tour couronnés « doyens », en « première ligne », les yeux dans les yeux avec ce « foutu » Temps, avec donc, notre Avenir, qui n’est pas obligatoirement aussi réjouissant qu’à l’aube de nos vingt ans…

Ralentir le flux qui s’accélère ?… Mais le Temps m’aspire, le Temps m’aspire…

Ma ville change… Bien des boutiques ont baissé rideaux, d’autres plus récentes ont pignon sur rue, des commerçants, des visages familiers qu’on croise moins, ou plus…  Des arbres malades qu’on abat, de jeunes arbustes qui aussitôt prennent racines, une rue qui devient piétonne, une autre qui s’élargit, un immeuble qui nait des ruines d’un précédent tandis que sous terre se garent les voitures…

Une génération qui s’éteint, la nôtre qui par endroits déjà se détricote… Le Temps m’aspire, le Temps m’aspire…

Le tintamarre me revient comme un boomerang ! Les loustics s’en donnent à cœur joie ! Quel bonheur d’être là, de profiter de ce rigolo remue-ménage !

Chaque âge, ma jolie, a ses inconvénients tout comme évidemment ses avantages, et plus jeune, rien de tout cela ne nous aurait amusé, il faut bien admettre qu’en passant, le Temps, ne compte pas qu’à rebours, il nous fignole, nous peaufine, et nous rend enfin accessibles à ce recul indispensable pour apprécier chaque instant qui passe…

Que le Temps m’aspire, que le Temps m’aspire !… S’il m’aspire autant c’est que je respire, et tant qu’il m’aspirera c’est qu’il m’en restera !…

Aujourd’hui est là, je veux vivre chaque seconde, sans trop me retourner, sans trop anticiper, mon Présent m’est encore plus aimable que parce qu’il n’est déjà bientôt plus, que le Temps m’aspire, que le Temps m’aspire et me donne encore mille joies, puisque vous, mes enfants, vous êtes de ce Temps là !…

 

 

 

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