Si la curiosité de Pandore n’avait pas été si forte, l’humanité aurait, dit-on, échappé à bien des maux, entre autres, à l’inéluctable condamnation à vieillir…
C’est la lumière qui n’est plus la même… C’est ça… Dans mes souvenirs d’enfance, tout est plus éclatant, plus luminescent…
Le temps lui-même, semblait infiniment plus lent à passer : en une seule journée, nous faisions mille choses différentes, sans ressentir le moins du monde la nécessité de nous dépêcher. Nous avions hâte de grandir, nous envions nos aînés qui avaient le droit de faire des choses qui nous étaient encore interdites : se coucher un peu plus tard, monter sur les « grands manèges », aller à « la grande école », et boire du champagne… Tandis qu’aujourd’hui je ne vois plus passer ni les semaines, ni les mois, si bien qu’une année s’écoule sans que j’ai une minute à moi, ainsi, aussi va mon âge !
C’est une atmosphère, moins légère, parce que lourde d’absences… Comme ces quartiers, ces maisons où ne logent plus que nos mémoires, dont les hôtes se sont évanouis, laissant derrière eux ce vide curieux, qu’on a peine à définir, mais qui résonne si fort dans nos cœurs… Ou ce constat de plus en plus fréquent, qu’alentours tout le monde est plus jeune que nous, et que ce monde là nous regarde autrement, avec parfois ce petit quelque chose de narquois ou de condescendant… Parce que nos idées sont différentes et nos envies plus raisonnables…
Ce sont ces tablées familiales dont on remonte le rang, et qu’on préside bientôt devant un aréopage de gamins… Ou parce qu’à l’immense bonheur de connaître nos petits-enfants, s’immisce un cruel compte à rebours…
Parce que nos projets sont pour la plupart déjà réalisés, ou moins réalisables… Que nos souvenirs de jeunesse s’éloignent de notre présent, accumulant passablement et sans vergogne des années entre ce que nous fûmes et ce que nous sommes…
Ainsi, nous avons longtemps vécu en nous appuyant sur le socle rassurant que représentaient nos aînés, jusqu’à ce que petit à petit, ce socle s’effrite et nous laisse orphelins, et du coup peut-être seulement « adultes », en première ligne, servant à notre tour de paravent à nos cadets… Ainsi pourrait on en conclure selon le « Journal de Tintin » qui lui aussi nous datera à tous les coups, que l’âge de raison serait plus proche des 77 que des 7 ans…
A Daniel SPONY, qui vient de s’en aller, et qui faisait partie de mon socle d’amis fidèles, à l’homme magnifiquement humain et attachant qu’il fut…
