Rose, je pense à toi.

Souvent.

Je crois t’apercevoir encore, parfois au détour d’une rue. Une blondeur, que sais-je, une silhouette qui s’efface dès qu’on l’attrape du bout des yeux…

Je ne pleure plus. Ou alors parce que les photos… Et si, en plus, une musique… Un abysse. Un vertige.

Toi, lui, eux, tous ces visages sur papier glacé qui ne sont plus d’ici… Comme si la pellicule avait saisi avant nous votre regard déjà en quête d’un ailleurs… Ça me fait peur, ce vide, cet espace entre vous et moi, infranchissable, cette distance qui s’installe, comme si en nous quittant vous aviez perdu votre humanité pour mieux vous éloigner.

C’est ça. Vous éloigner. Vous êtes loin, je ne sais où, dans le temps et dans l’espace. Vous n’êtes plus, tout simplement. Vous n’êtes plus qu’une question sans réponse, un silence.

Vous me manquez, là, maintenant, et peut-être aussi quand je suis très occupée, ou très gaie. Vous me manquez. Quand au beau milieu du bruit et de l’agitation soudain je suis immobile même si pour tous les autres je continue d’avancer. Je suis immobile. Comme si cette immobilité pouvait un instant me rapprocher de vous, de votre monde. Je m’applique à vous ressusciter en silence, en vain… Mais je m’applique, je fais des paris fous, je promets l’intenable, je fais du chantage, pour qu’une seconde au moins vous soyez encore là… En vain… Alors je me remets à bouger, comme les autres, je fais semblant de vous ignorer, et, ne doutez pas de mon chagrin, mais j’y parviens…

Vous me manquez, parce que mes jours se multiplient tandis que les vôtres me sont retranchés.

Parce que c’est invraisemblable que vous ayez existé, et que vous ne soyez plus. Je commence des phrases qui ne s’adressent qu’à vous, je ne les termine jamais, elles se délitent dans l’absence… Vous ne répondrez plus.

La douce fraîcheur d’une brise ou le froid qui m’entame, un rayon qui perce la grisaille, un bruit familier, une musique nostalgique, et je pense à vous, je vous sens, si fort, si vrais qu’un instant vous n’êtes pas davantage là, mais plus si loin,  un sourire narquois ou tendre porté sur ma solitude de survivante…

A Rose,  à Bernard, à mon Papa, et à Jean-Paul. A Christian aussi, Marie-Anne, Nadou, Corinne, mes amis disparus… Et tous ceux qui sont partis avant eux…

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