Il y a bien longtemps une jeune femme brune préparait Noël fébrilement…

Pour la première fois c’était d’elle que tout dépendait. Elle était toute fière d’inviter sa famille. Toute jeune mariée elle étrennait ses couverts en argent, sortait ses assiettes blanches avec précaution… Elle avait fait d’un bout de tissu rouge et vert une jolie nappe aux couleurs de Noël, et trouvé sur le marché quelques branches de houx qu’elle avait noué d’un ruban.

Elle avait longuement hésité sur le choix du menu… Elle voulait à tout prix que ce dîner soit réussi, aussi avait-elle cherché dans ses recettes de quoi y puiser des idées. Enfin, l’époque étant plus classique, elle avait perpétué la tradition de la dinde aux marrons. Ça lui avait pris un bon moment. La liste des commissions faite, il lui avait fallut s’organiser, déposer son mari à son cabinet, emprunter la voiture et prendre la route pour rejoindre la ville d’à côté. Ce temps là n’est pourtant pas si loin, mais les magasins n’étaient pas encore si nombreux dans son village et ils n’avaient encore qu’une seule voiture…

Elle était toute contente de soulager ses ainés, de prendre en main cet héritage, elle se sentait maintenant responsable d’entretenir la tradition familiale. Enveloppée de son tablier à fleurs, elle trottinait de la cuisine à la salle à manger, mettant la dernière touche au décor de la table, s’appliquant à bien disposer les serviettes amidonnées dans les verres en cristal, posant une bougie sur le rebord d’une fenêtre ou relevant une guirlande qui avait glissé d’une branche du sapin. Une sauce mijotait sur le coin de la cuisinière, elle avait tenu à fabriquer elle-même la bûche de Noël au chocolat… Jusqu’au coup de sonnette qui annoncerait ses invités, elle avait été inquiète de ne pas réussir à  terminer à temps toutes ces petites choses qui se bousculent au dernier moment…

Ce soir, c’est moi qui vais chez ma fille… Je n’ai rien eu à faire qu’à préparer mon sac pour dormir là-bas,  » Maman, ce serait préférable avec toute cette neige qui ne cesse de tomber… » me disait-elle, inquiète à l’idée que je puisse préférer rentrer chez moi une fois la soirée terminée…

C’est son premier Noël, enfin, vous savez, son premier Noël « à elle »… Et je l’imagine bien, sans bague au doigt ni tablier, sans couverts en argent ni porcelaine fragile, mettant tout son cœur à  préparer les agapes, et se sentir si fière de m’inviter à son tour à réveillonner… Ainsi plus de trente années ont passé, ni son Papa ni le mien ne seront là ce soir près du sapin…Et tant d’autres que la vie ou la fatigue retiennent au loin…

Ce soir, je retiendrai mon souffle… C’est mon premier Noël de Maman « invitée », je suis à mon tour « soulagée »… Quelques rides souligneront mon sourire, à mon tour me voici dorlotée…

Ce soir, la magie de ses Noëls d’enfant s’éteindra doucement, mais comme moi il y a bien longtemps, elle rougira sous les compliments et ses yeux brilleront tout autant…

A Pauline, ma fille…

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